SUTHERLAND JOAN (1926-2010)
Les spectateurs qui, le 8 novembre 1952, assistaient, au Covent Garden de Londres, à une représentation de Norma n'avaient d'yeux que pour Maria Callas, qui interprétait le rôle-titre avec son habituel génie. Nul ne prêtait attention à la jeune femme qui chantait Clotilde, la confidente de la druidesse. Et personne ne se doutait que Joan Sutherland, puisque tel était le nom de cette cantatrice australienne, allait, en quelques années, devenir l'une des sopranos les plus adulées du xxe siècle.
La Stupenda
Née près de Sydney, en Australie, le 7 novembre 1926, Joan Alston Sutherland étudie d'abord avec sa mère – une excellente mezzo-soprano qui avait renoncé à sa carrière lyrique –, puis au Conservatoire de Nouvelle-Galles du Sud de Sydney ; c'est dans cette ville qu'elle se produit pour la première fois en public, en août 1947, dans Didon de Didon et Énée de Henry Purcell, donné en version de concert, et que, quatre ans plus tard, elle apparaît au Conservatoire dans le rôle-titre de Judith d'Eugene Goossens, directeur de cet établissement et chef principal de l'Orchestre symphonique de Sydney.
En 1951, une bourse lui permet de partir étudier à Londres, au prestigieux Royal College of Music, où elle est l'élève du baryton Clive Carey, lui-même disciple du fameux Jean de Reszke. Engagée au Covent Garden, Joan Sutherland est d'abord, en 1952, la Première Dame de La Flûte enchantée de Mozart, puis Clotilde (Norma). Ensuite, elle passe à des emplois plus importants : Amelia (Un bal masqué de Verdi), Agathe (Le Freischütz de Weber), la Comtesse Almaviva (Les Noces de Figaro de Mozart), Pamina (La Flûte enchantée), Desdemona (Otello de Verdi), Gilda (Rigoletto de Verdi), Eva (Les Maîtres-chanteurs de Nuremberg de Wagner). Le 27 janvier 1955, elle incarne au Covent Garden Jenifer lors de la création mondiale du Midsummer Marriage de Michael Tippett ; trois ans plus tard, elle est Madame Lidoine pour la première britannique des Dialogues des Carmélites de Poulenc, dirigés par Rafael Kubelík. Le festival de Glyndebourne l'accueille dès 1956, en Comtesse des Noces de Figaro. La critique se plaît à louer la qualité de sa voix, large, longue, au point que l'on voit en elle une soprano dramatique et, pourquoi pas, une wagnérienne.
Mais, en 1957, ses interprétations des rôles-titres du « dramma semiseria » Emilia di Liverpool de Donizetti (à Liverpool) et d'Alcina de Haendel révèlent une étonnante maîtrise du chant orné. En 1954, Joan Sutherland avait épousé un jeune pianiste et chef d'orchestre australien, Richard Bonynge. Celui-ci va la guider sur la voie du bel canto, qui la rendra célèbre. Le 17 février 1959, elle triomphe, au Covent Garden, dans le rôle-titre de Lucia di Lammermoor de Donizetti, mis en scène par Franco Zeffirelli ; c'est le départ fulgurant d'une fabuleuse carrière internationale. Richard Bonynge lui apprend tout : la virtuosité, le contrôle d'un aigu ahurissant, qui monte sans peine jusqu'au contre-fa, l'art des colorations et – plus important encore pour elle qui n'est pas une grande comédienne et à qui on reprochera souvent un certain flou dans la diction –, celui de la juste expression.
Joan Sutherland est désormais une star, dans un répertoire qui a été remis à la mode par Maria Callas, notamment, et qu'elle contribue à ressusciter. Sa devancière était « La Divina », elle sera « La Stupenda », étonnant le public par sa technique hors pair et un timbre aux irisations infinies.
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Écrit par
- Michel PAROUTY : journaliste
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Média