CRUZ E SOUSA JOÃO DA (1863-1898)
Poète brésilien, né de parents esclaves affranchis par leur maître, Jo ao da Cruz e Sousa s'est battu toute sa vie contre les préjugés raciaux, dont il a été la victime ; il se vit notamment refuser un poste de magistrat à Laguna à cause de la couleur de sa peau. La vie de Jo ao da Cruz e Sousa a été une lutte constante contre la pauvreté et le malheur : lui-même, son épouse et ses quatre enfants sont morts tuberculeux.
Parnassien à ses débuts, celui qui a inauguré l'école symboliste au Brésil manifeste son admiration pour Baudelaire en le citant en exergue de son premier livre, Broquéis, 1893 (Boucliers) et en s'inspirant pour son deuxième livre, Faróis, 1900 (Phares), du titre d'un des poèmes des Fleurs du mal. Dans Broquéis, le seul recueil de poésies publié de son vivant, la plupart des pièces sont consacrées à l'amour ; les sonnets dominent et toutes les compositions sont en vers décasyllabes (à l'exception de l'une d'elles qui comporte des alternances de décasyllabes et heptasyllabes). Dans Faróis prédominent les thèmes de la douleur, de l'ennui et de la mort ; les poèmes sont longs et le mètre plus varié. Dans le dernier livre de poésies organisé par l'auteur, Últimos Sonetos, 1905 (Derniers Sonnets), Cruz e Sousa revient à une forme fixe et au décasyllabe, pour exprimer la résignation et la désolation face à l'inéluctable. Enfin, O Livro Derradeiro, 1961 (Le Dernier Livre), rassemble la production éparse du poète, qui est aussi l'auteur de deux ouvrages en prose : Missal, 1893 (Missel) et Evocaç oes, 1898 (Évocations).
Poète d'inspiration profonde, presque toujours douloureuse, Cruz e Sousa a essayé de fuir le destin social des gens de sa race. Roger Bastide, dans son essai sur la poésie afro-brésilienne, situe le poète brésilien parmi les plus grands symbolistes, aux côtés de Mallarmé et de Stefan George. Il voit dans l'obsession que Cruz e Sousa manifeste pour la couleur blanche — blanc pur, lunaire, de neige, les nuages, les perles, le lys, le cygne, les roses blanches — « l'expression d'une immense nostalgie : celle de devenir aryen ». Dans sa poésie sensuelle aux vers musicaux, parfois obscurs, au vocabulaire recherché, aux métaphores osées, aux allitérations fréquentes, on pourrait également déceler un désir d'aristocratisation. Mais « poète maudit », contraint de son vivant de s'enfermer dans une tour d'ivoire, Cruz e Sousa n'aura trouvé qu'une reconnaissance posthume. (À consulter : J. da Cruz e Sousa, Poesia completa, Fundaç ao Catarinense de Cultura, Florianópolis, 1981.)
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Écrit par
- Luiz FERRAZ : assistant à l'université de Caen.
Classification
Autres références
-
BRÉSIL - La littérature
- Écrit par Mario CARELLI , Ronny A. LAWTON , Michel RIAUDEL et Pierre RIVAS
- 12 169 mots
...Graça Aranha (1868-1921) qui, avec Canaã (Canaan, 1911) écrit le seul grand roman symboliste. Dans la poésie, deux œuvres se détachent. João da Cruz e Sousa (1863-1898), marqué profondément par sa négritude, qu'il sentait comme une véritable « douleur d'exister », voyait dans l'art la possibilité...