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GOULART JOÃO (1918-1976)

Douze ans après avoir été chassé du pouvoir par le coup d'État d'avril 1964, l'ancien président du Brésil João Goulart mourait en exil, dans un ranch situé dans la Pampa argentine. Il avait choisi cette demeure parce que la Pampa lui rappelait son pays natal, l'État du Rio Grande do Sul.

La nouvelle de sa mort fut soigneusement « filtrée » par le gouvernement brésilien. La télévision et les journaux divulguèrent de courtes notices nécrologiques, mais les radios, principaux moyens d'information du pays, étant donné le nombre élevé d'analphabètes et l'étendue du territoire brésilien, reçurent des consignes interdisant « la divulgation de commentaires sur la vie et l'activité politique » de l'ancien président. Comment se fait-il que cet homme affable, ce politicien cordial, qui était de surcroît un grand propriétaire terrien, ait suscité une telle antipathie au sein des classes dominantes brésiliennes ? La réponse se trouve dans sa carrière politique marquée tout entière par celui auprès de qui il fut enterré dans le Rio Grande do Sul, Getúlio Vargas. Ce fut pendant sa « traversée du désert » entre 1945 et 1950, que Vargas se rapprocha politiquement de Goulart, jeune avocat qui avait milité activement au sein du mouvement nationaliste à l'Université.

Après son élection à la présidence de la République et son retour triomphal au pouvoir en 1950, Vargas installa Goulart à ses côtés dans le palais gouvernemental à Rio de Janeiro et le chargea des relations entre la présidence et les organisations syndicales, instruments privilégiés de l'action du parti « varguiste », le Parti travailliste brésilien (P.T.B.).

Aussi, en 1953, Goulart fut-il nommé ministre du Travail. Mais cette promotion prestigieuse allait susciter des oppositions qui pesèrent lourdement sur sa carrière politique. Des officiers de l'armée désapprouvèrent cette nomination, car ils considéraient que Goulart favorisait l'infiltration communiste dans les syndicats. Déjà se profilaient les éléments qui seraient à l'origine du coup d'État en 1964. Goulart démissionna du ministère du Travail en 1954, quelques mois avant que l'offensive des secteurs conservateurs contre Vargas aboutisse au suicide de ce dernier. À la suite de tractations entre le P.T.B. et le Parti social-démocrate (P.S.D.) de Kubitschek, une alliance politique permit en 1955 l'élection de Kubitschek à la présidence et de Goulart à la vice-présidence du pays.

La croissance économique qui caractérisa cette période fit provisoirement disparaître les clivages politiques qui existaient au sein de la société brésilienne. Mais en 1960, lorsque Jânio Quadros fut élu président, et Goulart reconduit par le suffrage populaire à la vice-présidence, la récession économique provoqua un regain des luttes politiques qui minèrent les bases des alliances électorales conclues précédemment. Désavoué par l'appareil de son propre parti, l'Union démocratique nationale, Quadros démissionna en 1961. Goulart se trouvait alors en très mauvaise posture pour assumer la direction de l'État. En effet, la nouvelle de la démission de Quadros lui parvint alors qu'il était à Pékin, à la tête d'une mission officielle brésilienne. Immédiatement, l'armée s'opposa à ce que le vice-président élu accède automatiquement à la présidence. Le gouverneur du Rio Grande do Sul, Lionel Brizzola, beau-frère de Goulart, déclencha, par l'intermédiaire de la radio, une grande campagne qui s'étendit à l'ensemble du Brésil et mobilisa l'opinion en faveur de Goulart, qui put ainsi regagner son pays et devenir président de la République.

Cependant l'armée ne se rallia qu'à contrecoeur à cette solution, et une réforme constitutionnelle instaura le parlementarisme, enlevant ainsi au président[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire du Brésil, directeur du Centre d'études du Brésil et de l'Atlantique sud à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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  • BRÉSIL - Le Brésil contemporain

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    • 5 médias
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