MACHADO DE ASSIS JOAQUIM MARIA (1839-1908)
La personnalité et l'œuvre de Machado de Assis ne cessent de provoquer l'admiration et, souvent même, l'irritation des critiques (Galante de Sousa a recensé, en 1958, mille huit cent quatre-vingt-quatre études à son sujet). Tout en reconnaissant l'art de l'écrivain – l'un des plus éminents du Brésil –, certains critiques reprochent parfois à l'homme le sarcasme de ses jugements, son mépris de tout et de tous, sa sécheresse de cœur. Brás Cubas, le masque qu'il a pris pour écrire, de l'éternité, ses Mémoires « posthumes », affirme que le seul solde positif de sa vie a été de ne pas avoir eu d'enfants, de n'avoir transmis « à aucune créature l'héritage de notre misère ». Et pourtant, pour comprendre ce grand timide qui ne se montrait en public que masqué, il faut encore écouter Aires, son incarnation du Memorial de Aires, le journal intime qu'il écrivit peu avant sa mort : « Ce n'est que parce qu'il a beaucoup aimé [la vie] qu'il l'a tellement haïe. » Quelques années plus tard, Machado de Assis prononçait lui-même, agonisant, le dernier mot d'un pardon difficile : « La vie est bonne. »
La pente de l'émancipation
L'émancipation par la culture
Né à Rio de Janeiro, d'origine très pauvre, métis, bègue, épileptique, il a réussi par sa persévérance, son travail, son talent, peut-être son génie, à gravir les pentes, si dures à l'époque, qui séparaient, au Brésil, les Blancs des gens de couleur, les seigneurs des serviteurs, l'écrivain de son public. Orphelin, il lui a fallu travailler jeune pour vivre et faire ses études. À dix-sept ans, apprenti dans une imprimerie, il commença à collaborer à plusieurs journaux et revues, dans des domaines très divers. Il lui arrivait parfois de publier, sous différents pseudonymes, trois, quatre contes à la fois.
À trente et un ans, il épouse la sœur d'un de ses amis, le poète portugais Xavier de Morais. Sa situation ne cesse de s'améliorer. À trente-quatre ans, il se trouve être un fonctionnaire très considéré et un écrivain que les journaux de l'époque placent à côté de José de Alencar.
Comment expliquer alors, chez ce grand petit-bourgeois, l'amertume acide, le sarcasme, on dirait presque le sadisme d'un Brás Cubas ? Il ne faut pas oublier qu'il emmenait toujours avec lui, guettant le moment de lui sauter dessus, ce démon de l'épilepsie qui s'emparait tout à coup de son corps pour l'offrir à la pitié ou à la risée publique. Dans le morceau, devenu pièce d'anthologie, « Le Délire de Brás Cubas », la nature apparaît personnifiée par Pandora, la déesse à la fois mère et ennemie des hommes, prenant plaisir à leurs souffrances. « La nature est parfois une immense raillerie », écrit Cubas à propos du défaut physique de Eugenia, un des rares personnages féminins qui, racheté par la souffrance, n'apparaît pas absurde et monstrueux comme sa mère Nature. Et il ajoute : « Pourquoi belle, si boiteuse ? Pourquoi boiteuse, si belle ? »
La libération des modèles
L'art de Machado de Assis a mis longtemps à atteindre sa plénitude. Ce n'est qu'avec le roman Iaiá Garcia (1878) qu'il cesse de payer son tribut au romantisme. Il fait ainsi un pas de plus à la fois vers l'émancipation complète et vers la solitude de l'esprit. Ses personnages sortent des tiroirs du Bien et du Mal où ils logeaient et vont désormais vagabonder autour d'eux-mêmes, sans réussir à trouver de repos ni au Ciel ni en Enfer. Ce changement a pu être déterminé par l'interruption de sa collaboration régulière avec les journaux et les revues, et par la proximité de la mort en raison d'une détérioration très sérieuse de sa santé. Convalescent, il commence à dicter à sa femme ses fameux [...]
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Écrit par
- Maria Teresa RITA LOPES : licenciée es lettres, letrice de portugais à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
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BRÉSIL - La littérature
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