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LIZARDI JOAQUÍN FERNÁNDEZ DE (1776-1827)

Écrivain mexicain, homme d'une seule foi, d'une seule ligne de conduite, Lizardi sut harmoniser en lui le croyant et le critique. Ce « penseur mexicain », tel qu'il se nommait lui-même, influencé par les penseurs espagnols du xviie siècle, s'est aussi abondamment inspiré des principes philosophiques et littéraires français. Issu de la classe moyenne, journaliste, il profite de la constitution de Cadix proclamant la liberté de la presse pour fonder El Pensador mexicano, la publication la plus importante, mais aussi Le Frère de Perico (El Hermano de Perico), Passe-temps agréables (Ratos entretenidos). La presse est, aux yeux de Lizardi, le plus efficace instrument de la liberté. Nourri des idées encyclopédistes, il affirme sa foi dans la science et le travail, sa conviction que si l'homme est naturellement bon, il est perfectible et qu'en conséquence l'éducation est primordiale. Son esprit irrévérencieux, caustique et réaliste, sa clairvoyance dans l'analyse des réalités mexicaines donnent à son œuvre un ton polémique qui lui vaut plusieurs emprisonnements ; il n'hésite pas, en effet, à s'attaquer à la famille royale en la personne de Godoy. En 1822, il est excommunié pour avoir publié une brochure intitulée Defensa de los francmasones.

Malgré son importance idéologique et politique comme journaliste, Lizardi a été rendu célèbre par ses créations romanesques, la plus fameuse étant La Perruche galeuse (El Periquillo sarniento), dont la publication fut entreprise en 1816 et achevée en 1831 ; roman autobiographique, de veine picaresque, racontant les péripéties d'un jeune garçon qui, après avoir connu mille expériences et fréquenté toutes les couches de la société, finit par s'assagir. À travers de savoureux dialogues, Lizardi retrace l'histoire de toute une époque, l'époque coloniale, et laisse entrevoir la montée du mouvement libérateur. La pénétration de ses observations, la vérité de sa peinture des diverses classes sociales, son refus de céder au sentimentalisme ambiant font de Lizardi le premier romancier réaliste de l'Amérique hispanique. Le protagoniste, ce pícaro mexicain, ce pelado comme il l'appelle, ce descendant américain du Lazarillo de Tormes, du Guzmán de Alfarache, du Buscón, exprime, dans une perspective moralisatrice, le drame du métis mexicain : sa conscience est assoiffée de liberté, mais il est inapte à appliquer concrètement les idées nouvelles. Dans La Quijotita et sa cousine (La Quijotita y su prima, 1818), qui est une critique véhémente de l'éducation des femmes, Lizardi a été fortement influencé par Rousseau. Les Hauts Faits et les exploits de don Mirliflor de la Jactance (La Vida y hechos del famoso caballero D. Catrín de la Fachenda) est une satire du parasitisme social, incarné par le currutaco, frère du catrín (bluffeur, fanfaron) espagnol. Ce mirliflore juge le travail indigne de sa noble naissance, et sa toilette, raffinée à l'extrême, est la marque suprême de sa qualité. Dans sa critique de ce type d'homme inoffensif et ridicule, Lizardi reprend certains thèmes du Periquillo sarniento. Excellent narrateur, Lizardi est proche des premiers chroniqueurs : reproduisant les faits sans autres prétentions, il met son œuvre au service de la vérité.

— Sylvie LÉGER

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  • AMÉRIQUE LATINE - Littérature hispano-américaine

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    De fait, ce fut seulement en 1816, en pleines guerres de libération, que le gazettiste et pamphlétaire mexicain José Joaquín Fernández de Lizardi (1776-1827) s'enhardit à produire une narration satirique dans la tradition picaresque : El periquillo sarniento (1816-1831, Le Petit Perroquet...