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GÜNTHER JOHANN CHRISTIAN (1695-1723)

Né en Silésie d'un père médecin, Johann Christian Günther est, de 1710 à 1715, élève au lycée de Schweidnitz où il tombe amoureux de Leonore Jachmann. Il lui dédie des poèmes d'amour passionnés, se fiance à elle. Mais, étudiant à Leipzig, voilà qu'il jette sa gourme et devient volage. Seule une grave maladie le fait revenir auprès de Leonore qu'il n'épousera toutefois pas : irrité par sa vie dissolue, le père du poète lui refuse toute aide dans la recherche d'un emploi. Günther se met alors à vagabonder. Auprès de Johanna Barbara Littmann, fille de pasteur, il trouve, plus tard, un second havre de paix. Mais, à nouveau, son père lui dénie tout soutien. La cour de Dresde cherchant un poète officiel, Günther se présente, mais ivre, et voit ainsi le poste lui échapper. Après plusieurs voyages, il s'installe comme médecin, ne parvenant pourtant jamais à gagner sa vie. Agé de vingt-huit ans, il meurt à Iéna des suites d'une longue maladie.

À l'instar de Thomas Chatterton, le préromantique anglais mort à l'âge de dix-huit ans, Günther compte au nombre des personnages dont la vie tragique a toujours fourni à la postérité matière à réflexion. Dans son roman Johann Christian Günther (1928), Enrica von Handel-Mazzetti s'attache à décrire le destin du poète ; et, dans le septième livre de son Wilhelm Meister, Goethe fait de lui un portrait achevé sinon charitable. Il lui reconnaît des dons qui dépassent la commune mesure, intelligence, mémoire et une rapide capacité de synthèse, de la richesse dans les idées, de l'humour, mais il termine par ce jugement : « Ne sachant point se contrôler, il dissipa et sa vie et son oeuvre. »

C'est en 1724 seulement, donc après sa mort, que paraît un recueil de ses poèmes. Sa vie durant, Günther a été habité par un incessant besoin de créer. Il n'a cessé de produire poèmes de circonstance, chansons à boire, sauvages rengaines d'étudiants et toutes sortes d'ouvrages de commande grâce auxquels il pouvait subvenir à ses besoins. De nos jours encore, on trouve dans les anthologies d'étudiants des chansons datant de l'époque leipzigienne de Günther : elles ne sont pas sans rappeler Villon.

Mais c'est à ses mélopées et à ses poèmes d'amour qu'on accorde une importance décisive. Un ton tout nouveau habite les vers dédiés à Leonore Jachmann. Günther, bien sûr, est tributaire de son siècle, mais le motif horatien du carpe diem connaît sous sa plume une modification de contenu. Quoique la bien-aimée y soit toujours comparée à une rose, la vigueur de l'expression brise à chaque fois le carcan formel et imprime à ces poèmes un sceau personnel et inattendu. Si bien qu'on a raison de tenir Günther, du moins sur le plan de la poésie subjective, pour le précurseur immédiat de Goethe.

Dans les poèmes destinés à Johanna Barbara Littmann, ce ton nouveau va s'accentuant. Partout on relève les traces de l'aisance de Günther, du jeu qu'est pour lui la versification. Un titre comme Lorsqu'il remit à Phillis une bague frappée d'une tête de mort (Als er der Phillis einen Ring mit einem Totenkopf überreichte) le montre, certes, tributaire des bergeries de l'époque, mais quelle différence radicale dans la coloration ! Ici, l'amour et la mort voisinent continuellement. Tous deux sont absolus, tous deux libèrent l'homme d'une solitude essentielle, de l'abandon auquel il est livré. Impuissant face au destin, le poète se tient pour une victime de l'époque. Il fait sien le thème de l'inconstance des choses ; Le temps qu'on ne peut remonter (Die unwiederbringliche Zeit) et le Douloureux Souvenir des années de jeunesse (Die schmerzliche Erinnerung der Jugendjahre) disent sa conscience de la vanitas et ses remords. C'est à cet état d'esprit[...]

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