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GOTTSCHED JOHANN CHRISTOPH (1700-1766)

Tenu jusqu'en 1740 pour le pape de la littérature, Gottsched est peu après attaqué de toutes parts : ses disciples l'abandonnent, la troupe de comédiens avec laquelle il travaillait le tourne sur scène en dérision (1741) et, en 1759, Lessing le prend violemment à partie dans une de ses lettres sur la littérature. Le temps aidant, on s'aperçoit pourtant combien l'homme a servi efficacement et le théâtre et la langue de son pays.

Fils de pasteur, Johann Christoph Gottsched naît à Juditten en Prusse orientale. Après quelques études de théologie et de philosophie à Königsberg, il quitte sa province en 1724 pour échapper à l'embrigadement dans la garde de Frédéric-Guillaume Ier. Professeur de poésie, de logique et de métaphysique à Leipzig, il dirige pendant quelque temps la Deutschübende Gesellschaft (Société pour l'usage de l'allemand) qui tend à réformer tant le langage parlé que l'écriture. Faute de succès auprès du public, il est contraint de cesser la publication de deux hebdomadaires, moutures allemandes du Spectator anglais. Il meurt à Leipzig dans la solitude.

Avec son Essai d'une poétique critique pour les Allemands (Versuch einer kritischen Dichtkunst für die Deutschen, 1730), Gottsched écrit l'ouvrage qui assura la relève du Livre de la poésie allemande (Buch von der deutschen Poeterei, 1624) de Martin Opitz. L'auteur s'efforce de donner à chaque genre littéraire une définition nouvelle, et à la composition de poèmes des règles : elles s'inspirent directement de Boileau. Il édicte des axiomes du bon goût qui sont — reconnaissons-le — étonnamment subjectifs, et tranche des parts qui, dans la composition d'une œuvre d'art, reviennent à l'entendement et à l'imagination : il n'est de renouvellement littéraire à ses yeux qui n'aille sans l'application de règles sévères.

Mais c'est vers le théâtre que Gottsched se sent le plus attiré. Non content d'écrire des pièces d'après le modèle classique, ainsi, en 1732, Caton mourant (Der sterbende Cato), il développe au hasard des parutions de Belustigungen des Verstandes und Witzes (« Plaisirs de l'intellect et de l'esprit »), hebdomadaire littéraire qu'il dirige, tout un programme théorique. Pour le théâtre de son temps, ses exigences sont proprement mobilisatrices : les comédiens doivent s'en tenir au texte écrit, les costumes et les décors être historiquement exacts ; le style des farces sera banni de la scène. Mais, en s'attachant aux trois unités et à la précellence de l'élément rationnel, Gottsched se fait le défenseur d'une tradition mise en doute par un nombre croissant de théoriciens. En 1740, à la parution du Traité du merveilleux (Kritische Abhandlung von dem Wunderbaren in der Poesie und dessen Verbindung mit dem Wahrscheinlichen), une cohorte d'écrivains allemands se rassemble autour de son auteur, le Suisse Johann Jacob Bodmer. Celui-ci, en effet, accorde une large place à l'imagination : grâce à sa puissance créatrice, le poète donnera forme à la nature en un langage nouveau — sans attenter pour autant aux lois de la vraisemblance. Il refuse les règles fixes. Shakespeare et Milton sont élevés au rang de modèles.

Bien qu'un à un les collaborateurs de Gottsched se séparent de lui pour défendre dans Bremer Beiträge (« Contribution de Brême »), revue fondée en 1748, la ligne moderne, le pape détrôné reste fidèle à ses théories : de 1740 à 1745, il les applique dans son Théâtre allemand (Die deutsche Schaubühne, nach den Regeln der alten Griechen und Römer eingerichtet). Trente-sept pièces le composent, dont la moitié est constituée de traductions et d'adaptations (Corneille, Racine, Molière) ; et, si les pièces de Gottsched témoignent de peu d'originalité, les comédies de sa femme[...]

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  • ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures

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    La grande réforme entreprise par Gottsched après 1725 au nom de la raison et des règles, en même temps qu'elle confirme le rôle désormais dominant de Leipzig et de la Saxe, constitue une étape décisive dans la formation d'une culture littéraire fondée sur les valeurs bourgeoises. Un des mérites certains...