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SULZER JOHANN GEORG (1720-1779)

Tout d'abord destiné au clergé, Johann Georg Sulzer, originaire de Winterthur, s'orienta vite vers la philosophie et l'histoire naturelle sous l'influence du chanoine naturaliste Jean Gessner. Il devint instituteur puis vicaire d'un curé de campagne pendant quelques années, « partageant son temps entre l'étude, la contemplation de la nature et les agréments de la société ». Sa carrière d'écrivain commence en 1741 dans un périodique de Zurich. L'ensemble de ses publications zurichoises fut rassemblé et publié à Berlin sous le titre : Essais de physique appliquée à la morale(trad. de Formey, en 1754, in Mélanges philosophiques, Leyde).

En 1744, Sulzer est précepteur chez un négociant de Magdeburg. Trois ans plus tard, il obtient une chaire de mathématique au collège Joachim de Berlin. L'Académie des sciences l'agrège à la classe de philosophie spéculative en 1750 ; il oriente alors ses travaux vers la psychologie et publie deux volumes de Mémoires.

Profondément bouleversé par la mort de sa femme en 1760, il part pour trois années en Suisse. C'est là qu'il élabore sa Théorie universelle des beaux-arts (2 vol. publiés en 1772, puis repris en 4 vol. en 1792). Sulzer serait prêt à abandonner définitivement Berlin, mais Frédéric II le retient et le nomme d'office professeur de philosophie à l'Académie des nobles. Il part cependant pour l'Italie en 1776 (Journal d'un voyage fait en 1775 et 1776 dans les pays méridionaux de l'Europe, La Haye, 1782) puis revient à Berlin, où il mourra.

Faute de traduction et de diffusion, le grand public connaît mal Sulzer, et c'est dommage (encore que Marmontel n'ait pas hésité à publier sous son propre nom des extraits importants de ses écrits) ; son influence fut grande sur toute la pensée esthétique allemande préromantique. Proche de Rousseau et de Kant par la place qu'il fait au sentiment et au caractère universel de la beauté, l'œuvre de Sulzer comporte d'autres points moins connus et dont l'actualité nous paraît encore bien vive ; par exemple sur les rapports étroits qu'entretiennent le plaisir et la connaissance. On retiendra au moins deux points : la théorie du plaisir et celle de l'allégorie.

La conception du plaisir exposée dans la Nouvelle Théorie des plaisirs en 1767 ouvre largement le champ à l'esthétique transcendantale. Le plaisir est un état qualitatif des sens ou de l'intellect provoqué par les « qualités générales que les objets doivent avoir pour exciter naturellement ces sentiments ». Quelles sont ces qualités générales ? Ce sont celles qui rendent l'objet propice à la « production des idées », c'est-à-dire qualités d'ordre et de complexité. Le désordre et la simplicité immédiate ne provoquent pas de plaisir. Au contraire, l'unité qui résulte de l'harmonie convergente des parties vers le tout est le facteur suprême du plaisir. Donc Sulzer ne serait pas loin de reconnaître que le plaisir esthétique résulte de l'unité formelle du jugement devant un objet adéquat. La multiplicité des goûts et des plaisirs ne saurait entamer l'universalité fondamentale du beau. La diversité provient de l'inégalité des connaissances. « Il est impossible de rien apprendre, écrit-il, sans s'ouvrir en même temps de nouvelles sources de plaisir. » Par conséquent, le caractère universel du beau ne présuppose pas son innéité. Le beau, le jugement de goût, cela s'apprend. Mais, inversement, la beauté esthétique ne se réduit ni à un savoir ni à un savoir-faire : « C'est peu connaître les beaux-arts que d'estimer davantage [...] un bon pinceau, un bon burin qu'une belle invention » (Discours sur l'allégorie). L'invention touche le sentiment et le sentiment s'éduque. « Je viens[...]

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    ...classique. Mais c'est d'Angleterre, avec le primat humien de l'imagination sur la raison, et d'Allemagne, avec la théorie du Gefühl que développent Sulzer (Origine des sentiments agréables ou désagréables, 1751) et Winckelmann (Histoire de l'art dans l'Antiquité, 1764), que vient le...