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FICHTE JOHANN GOTTLIEB (1762-1814)

Les applications de la « Doctrine de la science »

Fichte développe les applications de la Doctrine de la science dans Le Fondement du droit naturel et Le Système de l'éthique (Das System der Sittenlehre nach den Prinzipien der Wissenschaftslehre). Après avoir fondé la philosophie première, Fichte se consacre uniquement au droit et à la morale.

Le droit et la morale

Le Fondement sépare le droit de la morale. Tandis que l'école kantienne déduisait le droit de la morale, Fichte considère que ces deux domaines doivent être séparés. Le droit est le domaine qui voit s'actualiser légitimement des volontés encore liées aux besoins et aux tendances sensibles, tandis que la morale vise l'unité spirituelle des consciences. Dans sa théorie du droit, Fichte déduit l'individualité et montre que l'homme n'est homme que parmi les hommes. Sur ce fondement de l'intersubjectivité se construit l'idée d'une communauté qui assigne à chaque individu une sphère propre. Ainsi Fichte s'oriente vers une déduction de l'existence sociale comme expression première de la raison. On trouve là un des passages les plus riches et les plus contestables de son œuvre. Le philosophe entreprend de déduire a priori les conditions de l'existence sociale de l'individu et en particulier celles du corps humain, dont toutes les fonctions portent la marque de leur destination. Dans cette déduction, Fichte a justifié a priori l'air et la lumière, ce qui devait susciter le rire de ses contemporains, mais il a aussi insisté sur le rapport qui permet à l'homme de découvrir la liberté d'autrui et on lui doit une page remarquable sur le phénomène du regard, auquel Sartre attachera tant d'importance. Dans le regard, je saisis la liberté d'autrui, car l'œil humain n'est pas un instrument, mais la possibilité en elle-même, la liberté se révélant comme un néant.

L'État, totalité organique

Le corps, toutefois, n'est que la condition première du droit ; il est ce qui définit autrui comme un être digne de respect. Mais cette condition n'est pas suffisante ; il faut encore une puissance qui impose aux différentes volontés une contrainte, qui les oblige à s'en tenir à leurs limites propres. Cette puissance, l'État, Fichte la fonde sur l'idée de volonté générale. Le philosophe s'applique à l'analyse du pacte social, en lequel il distingue un triple contrat, le plus essentiel étant celui qui concerne la propriété. Au lieu de faire de la propriété la condition de la citoyenneté – comme le voulait Kant, pour qui seul le propriétaire a le droit d'être considéré comme un citoyen « actif » –, Fichte fait de la citoyenneté la condition de la propriété et s'oriente vers une conception socialiste de l'État, conforme aux idéaux les plus avancés de la Révolution française. Comme l'a souligné Vaughan, Fichte développe longuement l'idée suivant laquelle l'État est une totalité organisée et s'organisant elle-même, une unité vivante.

Éducation et liberté

Dans le Système de l'éthique, Fichte opère une nouvelle déduction du moi, liée directement à l'intuition intellectuelle. Le but final de l'homme est la réalisation d'une communauté d'êtres libres. La catégorie décisive de l'éthique est celle d'un progrès à l'infini, qui conduit les consciences à se réunir dans une unité pure. Ainsi à l'idée luthérienne d'unité des consciences Fichte associe la dynamique de la raison. Le Système manifeste, par rapport à Kant, un double progrès. D'une part, Fichte dépasse le dualisme de la sensibilité et de la raison, de l'âme et du corps, comme l'avait déjà montré la philosophie exposée dans les Principes : l'homme constitue une unité indissoluble. Loin[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Genève
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Johann Gottlieb Fichte - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

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