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DROYSEN JOHANN GUSTAV (1808-1884)

L'un des représentants les plus brillants d'un groupe d'historiens allemands du xixe siècle, dont l'œuvre est profondément imprégnée par la volonté de l'émancipation politique de la bourgeoisie dans le cadre d'une unification nationale allemande. Pour Droysen, conformément aux règles de la dialectique hégélienne, les buts de l'action politique émergent de la tradition historique. La tradition a une grande signification pour l'avenir qui, par contre, est anticipé dans ce but pratique et devient la condition de la connaissance historique. Il en résulte une symbiose de la science historique et de la politique. D'un côté, la critique et l'interprétation de l'action politique dépendent de l'argumentation historique ; de l'autre côté, il existe une actualisation des connaissances historiques qui leur donne une valeur de directives pour l'action. Élève de August Boeckh et de Hegel, Droysen s'occupe d'abord de l'histoire grecque. Son Histoire d'Alexandre le Grand (Geschichte Alexanders des Grossen, 1833), suivie d'une histoire de l'hellénisme, rompt avec l'interprétation traditionnelle : ce n'est plus la ruine de la liberté des cités grecques par les rois macédoniens, mais l'apogée de l'histoire grecque — le parallèle de la situation de la Prusse et des États allemands s'impose. Le professorat à l'université de Kiel à partir de 1840 marque une césure profonde : l'histoire moderne et la politique influencent dès lors sa vie. Il publie des Cours sur les guerres de la libération (Vorlesungen über die Freiheitskriege, 2 vol., 1846). Tout en critiquant l'utopisme révolutionnaire, la restauration et la réaction, il prône la réforme permanente. Les années suivantes, il est l'un des porte-parole de l'opposition contre la politique danoise et prend une part active à la révolution de mars 1848 en Allemagne. Membre de l'Assemblée nationale de Francfort, il se distingue surtout à la Commission constitutionnelle lors de l'élaboration des droits fondamentaux. Après l'échec de la révolution, il ne modifie que peu sa position. La Prusse, selon lui, a la mission historique de créer l'État national allemand. Professeur à Iéna dès 1851 et à Berlin dès 1859, il idéalise l'histoire prussienne : La Vie du maréchal comte Yorck von Wartenburg (Das Leben des Feldmarschalls Grafen Yorck von Wartenburg, 3 vol., 1851-1852) ; L'Histoire de la politique prussienne (Geschichte der preussischen Politik, 14 vol., 1855-1886), et il s'efforce de démontrer une continuité de la politique prussienne du xve au xixe siècle. La Prusse peut, en raison des services rendus à l'Empire, prétendre achever la formation de l'État national. Dès 1857, Droysen fait des cours sur l'encyclopédie et la méthodologie de l'histoire, qui ne seront publiés qu'en 1937 (Historik). Partant de la théorie de Hegel sur l'histoire, il élabore la notion de structure médiatrice de la vie historique. Si d'un côté les connaissances historiques risquent d'être un amas inutile de détails et si de l'autre les grandes idées de libération et d'émancipation deviennent des idéologies, négligeant les réalités historiques, la tâche de la science historique est d'apporter et, si l'on se réfère au passé, de préparer l'avenir. La science historique se trouve sous le primat de la raison pratique. Comme l'avenir ne peut pas être suffisamment anticipé par la théorie seule, c'est en comprenant l'histoire que l'on obtient des orientations pour l'action. L'histoire est donc une science herméneutique par opposition aux sciences spéculatives et aux sciences exactes.

— Albert CREMER

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Écrit par

  • : chargé de recherche à l'Institut historique allemand, Paris

Classification

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