DÖLLINGER JOHANN IGNAZ VON (1799-1890)
Ecclésiastique et universitaire allemand, historien de l'Église et adversaire de l'infaillibilité pontificale. Né dans une famille de professeurs à Bamberg (Bavière), ordonné prêtre en 1822, docteur en théologie en 1826, Döllinger est nommé cette même année professeur à l'université de Munich, où il demeurera jusqu'à sa mort. Rêvant depuis sa jeunesse d'un apostolat intellectuel et devenu un intime du groupe munichois de Görres et Baader, il mène de front, à leur exemple, pendant vingt ans, l'enseignement universitaire et la polémique journalistique en faveur de la liberté de l'Église. Ses articles énergiques à propos des « événements de Cologne », provoqués par l'arrestation de l'archevêque lors du conflit relatif aux mariages mixtes, et le succès de son Manuel d'histoire de l'Église (Lehrbuch der Kirchengeschichte, 1836-1838) — qui tranchait par l'originalité de la conception et la clarté de l'exposé et qui fut vite traduit en anglais, en français et en italien — le font connaître bien au-delà des pays de langue allemande.
Son gros ouvrage sur la Réforme luthérienne (Die Reformation, 1846-1848), réfutation de l'œuvre de Ranke dans une perspective nettement apologétique, confirme sa renommée, et, au cours de la crise de 1848, il apparaît comme l'un des principaux champions de l'Église catholique tant sur le terrain politique que sur le terrain religieux : inspirateur avec Radowitz du groupe catholique au Parlement de Francfort et défenseur de la liberté religieuse au Landtag bavarois, mais aussi conseiller très écouté à la conférence épiscopale de Wurtzburg (1848) et animateur enthousiaste des premiers congrès catholiques. Bientôt cependant, déçu par l'orientation populaire qu'a prise le mouvement catholique en Allemagne sous la conduite du groupe de Mayence et des jésuites, il abandonne l'action religieuse pour se consacrer de plus en plus exclusivement au travail historique : publications savantes sur l'antiquité chrétienne, enseignement très vivant dont l'action se prolonge au loin grâce à ses très nombreux élèves, correspondance avec nombre d'érudits d'Allemagne, d'Angleterre et de France.
Indisposé par le soutien croissant apporté par la curie romaine aux attaques des néo-scolastiques qui reprochaient à de nombreux professeurs allemands de s'écarter des voies traditionnelles au nom de la critique historique ou de la philosophie moderne, dépité de voir sa valeur scientifique mise parfois en doute par certains leaders catholiques parfaitement incompétents en la matière, inquiet de voir les forces intellectuelles du catholicisme allemand se diviser contre elles-mêmes alors qu'une résistance commune aux attaques toujours plus radicales de la science incroyante s'imposait, Döllinger devient vers la fin des années 1850 de plus en plus réticent à l'égard du courant ultramontain. Les réactions que provoquent dans ce milieu ses conférences de l'Odéon, pourtant bien intentionnées, sur l'avenir des États pontificaux (1861), puis son étude critique sur Les Légendes pontificales du Moyen Âge (Die Paptfabeln des Mittelalters, 1863) et son intervention, lors du congrès des savants catholiques de 1863, en faveur de la théologie telle qu'elle est pratiquée dans les universités allemandes achèvent de le convaincre que la liberté de la recherche dans l'Église est en danger. Le Syllabus (1864), qui paraît vouloir imposer aux catholiques le système théocratique du Moyen Âge, renforce encore son inquiétude devant la tendance à accroître sans cesse le champ des interventions romaines ; et c'est dans cet état d'esprit qu'il se remet à l'étude de l'évolution des prérogatives pontificales et qu'il croit pouvoir en conclure que la doctrine de l'infaillibilité du pape n'est qu'une création[...]
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Écrit par
- Roger AUBERT : professeur à l'université de Louvain
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Autres références
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VATICAN (Ier CONCILE DU)
- Écrit par Roger AUBERT
- 3 148 mots
...provoquer un nouveau schisme dans les milieux intellectuels germaniques, très impressionnés par la campagne anti-infaillibiliste déclenchée par Ignaz von Döllinger. Ceux qui réagissaient de la sorte étaient moins nombreux que le premier groupe – d'où l'expression de « minorité » pour les désigner – mais...