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LYSS JOHANN (1593/94 env.-env. 1629/30)

Fils d'un modeste peintre venu travailler dans le Schleswig-Holstein au service du duc de Holstein, Johann Lyss reçut sans doute là sa première formation, puis se rendit, selon Sandrart, à Amsterdam où il séjourna vers 1616-1619. Après un passage à Paris, on le trouve ensuite en Italie, notamment à Venise en 1621. À Rome dès 1622, Lyss s'affilie, sous le sobriquet de Pan (bien significatif de son comportement agité), à la Bent, cette fameuse confrérie des artistes nordiques de Rome qui, face à l'officielle et très italienne Académie de Saint-Luc, regroupait tant d'artistes étrangers très indépendants d'allure et de goût artistique. Bientôt cependant, Lyss dut revenir à Venise, y menant, selon Sandrart qui y fit sa connaissance en 1628-1629, une vie passablement excentrique et rencontrant surtout le peintre romain Domenico Feti (à Venise de 1622 à sa mort) qui exerça sur lui une influence considérable dans la création d'une peinture libre, enjouée, intensément baroque et instable, souvent dévolue aux petites scènes de genre, et d'une grande saveur polychrome. En 1629 encore, Lyss émarge sur les listes d'une corporation des peintres de Venise en même temps que le Flamand Nicolas Regnier, mais disparaît peu après, à un âge précoce, victime de la peste.

Sa trop courte carrière est difficile à suivre sur le plan de l'évolution stylistique et chronologique, car aucune œuvre peinte n'est datée (sauf un Christ aux oliviers de 1628 [ou 1629 ?], dans une collection particulière bâloise), mais la plupart de celles qui sont conservées paraissent à cause d'un style bouillonnant à la Feti relever de sa période vénitienne : parmi ses œuvres les plus populaires souvent répétées en plusieurs exemplaires (est-ce à cause de leur grand succès ?), on citera La Découverte de Moïse enfant sur le Nil (musée de Lille), d'une superbe digne de Véronèse (à Venise, Lyss aimait regarder les grands maîtres vénitiens), Le Fils Prodigue de l'Académie de Vienne, le Jeu de la Morra à Cassel, La Toilette de Vénus aux Offices de Florence. Les débuts de Lyss s'affirment assez clairement dans des scènes de genre dans la tradition hollandaise, tels Le Couple galant de la Roseliushaus à Brême, Le Jardin d'Amour gravé par Nicolas de Son et si proche des élégantes compagnies mises en scène dans des parcs italianisants par un Dirk Hals : l'influence du milieu haarlemois est ici très nette. Ce courant néerlandais se renforce de curieux pastiches néo-bruegéliens (à la Marten van Cleve ou à la Vinckboons) : ainsi le Cortège nuptial de Budapest, le Paysan chez le dentiste de Brême (libre copie peinte d'une gravure de Lucas de Leyde). Mais Lyss trouve son vrai style et sa sympathique originalité dans les scènes de mœurs enjouées peintes en Italie : caravagisme des sujets (cf. Manfredi, Valentin, Tournier, Rombouts, Bylert et Honthorst), verve réaliste du milieu des Bamboccianti (mais Lyss devance peut-être même ici Pieter van Laer), facture agitée, coloris pimpant comme chez Feti qui lui aussi joue sur un luminisme plus décidé et plus clair que celui des caravagesques, caractérisent désormais la manière de Lyss. Toutefois, dans les tableaux religieux et les scènes mythologiques, Lyss s'élève jusqu'à une grande peinture aux formes denses et sensuellement modelées par la lumière, aux brillants et éloquents raccourcis perspectifs, au coloris vibrant et somptueux : ainsi une sorte de dynamisme rubénien et d'opulence claire à la Vouet (le Vouet de la période italienne avec des plissés tumultueux et des couleurs riches à la Vignon !) parcourt des toiles comme la Judith de Londres, La Toilette de Vénus des Offices ou le Ravissement de saint Paul à Berlin. De sorte qu'après des artistes tels Rubens, Feti, Vignon, Lyss évoque irrésistiblement — et c'est bien le signe d'un[...]

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Écrit par

  • : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre

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