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GOETHE JOHANN WOLFGANG VON

Weimar

Un milieu d'élite

Le duc de Saxe-Weimar est un tout jeune homme à qui sa mère, la très remarquable duchesse Anna Amalia, veut créer un entourage de qualité. Elle invite Goethe à venir à Weimar ; à la fois favori, confident, conseiller et compagnon d'aventures, il servira au jeune prince de mentor à peine plus âgé. Voilà encore un jeu qui n'est pas pour lui déplaire. Mais, cette fois, il va s'y laisser prendre. Il s'installe à Weimar en novembre 1776 ; il y restera plus d'un demi-siècle, jusqu'à sa mort. Sa présence, son rayonnement, les amis qui l'entourent, les admirateurs qu'il attire font de Weimar un haut lieu de l'esprit. Toute l'Europe de l'ère romantique y défilera pour voir Goethe, tout comme on va voir Notre-Dame de Paris, le Lido de Venise ou les burgs du Rhin.

Weimar n'est pourtant, quand il y arrive, qu'une bourgade de cinq ou six mille âmes. Le bétail piétine dans les rues boueuses. Pas de routes dans le pays, rien que de mauvais chemins où l'on risque de se rompre les os ; on ne circule guère qu'à cheval. Le château, incendié récemment, n'est qu'une ruine. On loge où l'on peut. Dans cette Saxe provinciale, peu évoluée, sans ressources et sans grâce, sans horizon, la dominante est l'ennui. Le duc, plus robuste que fin, s'occupe peu et mal de sa principauté, préférant la chasse et les filles. Mais il a de l'amitié pour Goethe, du respect aussi ; il lui fait confiance. En 1782, il obtient pour lui de l'empereur Joseph II le titre de noblesse qui permet à Goethe de s'asseoir à la table de la famille princière, ce qu'avait interdit jusque-là une étiquette strictement observée.

L'entourage ? Goethe a trouvé sur place Christophe Martin Wieland, l'homme le plus spirituel d'Allemagne, le seul peut-être à l'époque. Il fait venir Jean-Gottfried von Herder qui sera prédicateur à la cour, président du consistoire, c'est-à-dire évêque luthérien, et fondateur (n'oublions pas pourtant Vico, son prédécesseur !) de la philosophie de l'histoire qui régnera au siècle suivant. Une dame de la cour, Charlotte von Stein, est la seule femme attachante ; Goethe s'attache. Sans grande beauté, plus âgée que lui, mais fine, distinguée, élégante, sensée, équilibrée, elle prend sur lui de l'ascendant, exerce une bienfaisante et décisive influence. D'elle il apprend à contrôler ses élans, à dominer ses impulsions, à se comporter et se conduire. Il s'agit d'un amour de tête, d'une école pour adulte. La rencontrant presque chaque jour, il lui écrit pourtant – comme Diderot à Sophie Volland – mille sept cents lettres et billets, non sans songer qu'on publiera tout cela un jour. Ce qu'il n'estimait pas destiné à la publication, Goethe l'a soigneusement détruit. Si toute son œuvre n'est qu'une confession, ce n'est pas une confidence.

L'art et les déboires du gouvernement

À Weimar, deux choses l'intéressent : l'administration et la science. Conseiller du prince et ministre, il pratique l'art de gouverner. Avec son sens bourgeois de l'économique (il saura toujours gérer sa fortune, vivre de ses revenus et ne rien devoir à la faveur de qui que ce soit), il commence par doter le duché d'un budget, comparer les dépenses aux recettes et tâcher d'ajuster les unes aux autres. Il s'occupe d'aménager ce territoire sous-développé, prend soin de la viabilité, des levés topographiques, du cadastre et du recensement, de la collecte des impôts, de la levée des recrues. Comme bien des principautés allemandes, comme les cantons suisses, le duché de Saxe-Weimar tire une partie de ses ressources de la vente de soldats au roi de Prusse, lequel fait grande consommation de chair à canon. Goethe observe les agissements des sergents recruteurs, il note,[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, ancien professeur à la Sorbonne

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Johann Wolfgang von Goethe - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Johann Wolfgang von Goethe

Les Souffrances du jeune Werther, Goethe - crédits : AKG-images

Les Souffrances du jeune Werther, Goethe

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