JOHANNESBURG
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Située sur les hautes terres centrales d'Afrique du Sud à 1 700 mètres d'altitude, Johannesburg doit sa localisation aux mines d'or du Witwatersrand découvertes en 1886. Ville minière, puis industrielle, c'est aujourd'hui une métropole tertiaire, capitale de la province du Gauteng (10,5 millions d'habitants en 2009). Johannesburg est le cœur de cette région urbaine et industrielle, elle héberge la Bourse sud-africaine et les sièges de la plupart des grandes sociétés privées du pays. La population de Johannesburg était estimée à 3,8 millions d'habitants en 2007 et augmente de 2,5 p. 100 par an. La ville, à elle seule, contribue pour plus de 15 p. 100 au P.I.B. du pays.
Histoire
Une ville aurifère
L'histoire de Johannesburg est étroitement liée à l'or. En 1853, un prospecteur sud-africain trouve de l'or dans la rivière Juskei, au nord du futur site de Johannesburg. Plusieurs petits filons sont ensuite exploités, mais ce n'est qu'en 1886 qu'est découvert celui du Witwatersrand. En quelques mois, de nombreux prospecteurs affluent dans la région. Le gouvernement du Transvaal, la petite République boer (du nom des descendants des premiers colons néerlandais) dont dépend le Witwatersrand, décide alors d'inspecter les gisements aurifères et de déterminer le meilleur emplacement pour la nouvelle ville de Johannesburg.
Celle-ci grandit comme une ville champignon avec la découverte d'importantes réserves d'or. Des Australiens et des Californiens cherchant fortune rejoignent les mineurs venus de Cornouailles et du pays de Galles. Des Afrikaners (descendants des colons hollandais) chassés de leur campagne par la misère s'entassent dans des bidonvilles, et des Noirs venus de toute l'Afrique australe émigrent également vers la ville. La plupart d'entre eux travaillent dans les mines pendant six ou neuf mois puis rentrent chez eux, mais d'autres s'installent définitivement et vivent de petits métiers (conducteurs de pousse-pousse, travailleurs domestiques, blanchisseurs). En 1896, Johannesburg compte déjà 100 000 habitants.
Toutefois, la vaste réserve d'or du Witwatersrand pose un problème chronique de rentabilité, car il faut extraire, broyer, amalgamer et distiller des tonnes de conglomérat caillouteux afin de produire une ou deux onces de métal. Quelques Randlords (entrepreneurs dans les mines sud-africaines) contrôlent, au milieu des années 1890, l'intégralité des mines du Witwatersrand. Ils s'efforcent de rentabiliser le secteur en rationalisant la production et en réduisant les coûts, en particulier ceux de la main-d'œuvre, mais ils sont gênés par les autorités boers, trop corrompues et incapables d'adopter des taxes discriminatoires et des lois régissant les rapports employeur-employé.
Les Britanniques, souhaitant récupérer les mines d'or sud-africaines dans le giron de l'Empire, entretiennent la frustration des Randlords en appuyant le « raid Jameson », en 1895, une tentative de déstabilisation politique organisée par le magnat de l'industrie minière Cecil John Rhodes, et en lançant un ultimatum, en septembre 1899, aux Boers pour qu'ils accordent le droit de vote aux Uitlanders, les Blancs non Boers. La guerre des Boers éclate en octobre 1899. Les troupes britanniques entrent dans Johannesburg dès juin 1900, sans rencontrer de résistance. Le nouveau gouvernement du Transvaal (État devenu colonie britannique en mai 1902) est sensible aux besoins du secteur aurifère : il introduit de nouvelles taxes, adopte une législation forçant explicitement les Noirs à travailler à n'importe quel prix pour les Blancs, et fait venir temporairement plus de 60 000 ouvriers chinois.
Législation raciste et processus d'industrialisation
Les premières décennies du xxe siècle sont marquées par de vastes réformes sociales. En 1904, les Noirs vivant près du centre-ville sont relogés de force à Klipspruit, à seize kilomètres au sud-ouest de la ville ; cette décision est présentée comme une mesure « d'hygiène » censée empêcher l'apparition d'épidémies. Cette pratique s'appuie également sur l'idéologie ségrégationniste, qui émerge dans le premier quart du xxe siècle comme la solution au « problème racial » de l'Afrique du Sud. Grâce à une loi adoptée en 1923 (Natives Urban Areas Act), les autorités de Johannesburg déplacent des milliers de Noirs vivant dans des bidonvilles et les relogent dans des townships noirs, tels Alexandra et Western Areas, ou dans le nouveau quartier d'Orlando à l'est de la ville, première pièce du vaste puzzle urbain que va devenir Soweto.
Face à ces législations racistes, les Noirs s'organisent et les protestations se transforment en résistance au début de la Première Guerre mondiale. Accablés par des salaires faibles et une inflation galopante, les cheminots et employés municipaux africains de Johannesburg entament de longues grèves. Le Transvaal Native Congress, branche locale du South African Natives National Congress fondé en 1912 (qui deviendra l'African National Congress, A.N.C., en 1923), lance une grande campagne contre la réduction de la mobilité des Noirs (système des pass), conduisant à plusieurs affrontements violents avec la police. En 1920, soixante-dix mille mineurs noirs se mettent en grève pour réclamer une amélioration de leur salaire et de leurs conditions de travail ; ils sont violemment réprimés par l'armée.
Toutefois, l'ordre public est surtout menacé par les ouvriers blancs de Johannesburg. Les Randlords, toujours désireux de réduire les coûts, tentent de diminuer leurs salaires, mais se heurtent à plusieurs mouvements de résistance. En 1922, le projet de réduire la proportion des Blancs dans les mines déclenche une grève générale, qui se transforme rapidement en une vaste insurrection armée. Les ouvriers blancs prennent le contrôle de la ville et ne se rendent qu'après l'arrivée de vingt mille soldats et des bombardements soutenus (plus de deux cents morts).
Dans les années 1930 et 1940, Johannesburg est transformée par une immigration noire massive. Conséquence de la dégradation des conditions de vie dans les zones rurales, cette urbanisation reflète aussi l'offre grandissante d'emplois dans les jeunes industries dynamiques du Witwatersrand. En effet, l'industrie manufacturière sud-africaine explose dans les années 1930 et, au début des années 1940, la contribution du secteur secondaire au P.I.B. dépasse celle du secteur primaire, mines incluses. Cette évolution repose surtout sur Johannesburg et les anciennes villes minières (Benoni, Boksburg et Germiston). Elle inquiète les ségrégationnistes, car un pourcentage croissant de ces ouvriers ne sont pas des migrants mais des prolétaires installés avec leur famille de façon permanente dans la ville.
Le conflit entre les impératifs de la ségrégation et de l'industrialisation atteint son apogée face au manque de main-d'œuvre pendant la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement du Premier ministre Jan Smuts suspend le contrôle des arrivées dans le Witwatersrand, déclenchant une large vague d'urbanisation. La population noire de Johannesburg double, dépassant 400 000 habitants. En l'absence de constructions nouvelles, les migrants s'entassent dans des townships déjà surpeuplés ou dans des campements de fortune. Ces conditions de vie sordides font naître de nouvelles formes de conscience et d'action politiques, qui se manifestent par des boycotts de bus à Alexandra, l'installation de squats et l'organisation d'une branche militante de l'African National Congress Youth League (parmi ses membres fondateurs figure Nelson Mandela, alors jeune avocat à Johannesburg). Une nouvelle vague de syndicalisme se répand chez les ouvriers, qui culmine avec la grève lancée par les mineurs noirs en 1946.
Une ville de ségrégation
Ces évolutions n'échappent pas aux dirigeants politiques blancs. L'avenir de Johannesburg, parmi les autres villes sud-africaines, est au cœur des élections nationales de 1948. Les Afrikaners nationalistes obtiennent la majorité parlementaire et adoptent une série de lois précisant où chacun peut vivre, travailler et étudier, selon sa race. Les campements de squatters qui avaient poussé autour de Johannesburg au milieu des années 1940 sont rasés, tout comme les habitations situées dans des zones désormais réservées aux Blancs. Dès 1955, la destruction de Sophiatown laisse place à une nouvelle banlieue ouvrière blanche, surnommée Triomf.
Entre 1960 et 1980, près de quatre millions de Noirs, dont plusieurs milliers vivant à Johannesburg, sont relogés de force dans des bantoustans reculés. Le mécontentement gronde et finit par éclater à Johannesburg. Le 16 juin 1976, la police sud-africaine tire sur des étudiants de Soweto qui protestent contre un projet de loi visant à imposer l'afrikaans comme langue d'enseignement dans les écoles noires. Les coups de feu déclenchent une vaste insurrection populaire qui s'étend, au cours des mois suivants, dans plus de quatre-vingts villes du pays. Les townships proches de Johannesburg connaissent une seconde vague d'émeutes en 1984, lorsque le Parti national promeut une nouvelle Constitution qui accorde un droit de vote limité aux Indiens et aux Coloured en excluant la majorité noire. L'agitation se poursuit jusqu'à la fin des années 1980, en dépit de l'instauration de l'état d'urgence et du déploiement d'unités des forces armées sud-africaines. Ces années sont également marquées par le renouveau du syndicalisme noir, comme en témoignent les grèves et les boycotts civils qui bloquent régulièrement les activités du Witwatersrand. Ce militantisme grandissant, associé au durcissement des sanctions économiques internationales, incite les dirigeants blancs de l'Afrique du Sud à entamer des négociations, ouvrant la voie aux premières élections démocratiques du pays en 1994, remportées par l'A.N.C. et Nelson Mandela.
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Écrit par
- James T. CAMPBELL : maître de conférences en histoire à l'université du Nord-Ouest, Evanston, Illinois (États-Unis)
- Philippe GERVAIS-LAMBONY : professeur à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
Classification
Médias
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AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D' ou AFRIQUE DU SUD
- Écrit par Ivan CROUZEL , Dominique DARBON , Benoît DUPIN , Encyclopædia Universalis , Philippe GERVAIS-LAMBONY , Philippe-Joseph SALAZAR , Jean SÉVRY et Ernst VAN HEERDEN
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