POPLE JOHN ANTHONY (1925-2004)
Le théoricien britannique John Pople fut un des pionniers de la chimie quantique. II a pour ce faire développé des modèles mathématiques dans le but de calculer les fonctions d'onde quantiques des molécules. Malgré le prix Nobel de chimie qu'il reçut tardivement en 1998, il s'est toujours plutôt considéré comme un mathématicien.
Né le 31 octobre 1925 à Burnham-on-Sea (Somerset), John Anthony Pople y passe toute sa jeunesse. Son père tient un petit commerce de vêtements. Son statut social ne lui permettant pas de fréquenter l'école locale, il fait ses études secondaires à Bristol, ville distante de 50 kilomètres. Pris de passion pour les mathématiques à l'âge de douze ans, il lit secrètement des cours et tente de découvrir seul des réponses à diverses questions mathématiques. En 1943, il est lauréat d'une bourse pour étudier au Trinity College de Cambridge. Après deux ans d'études, selon un cursus accéléré que les autorités britanniques avaient mis au point pour utiliser les services des jeunes scientifiques pendant la guerre, il doit quitter l'université en 1945.
Pople est alors employé par une compagnie d'aviation de Bristol, mais il s'y ennuie tellement qu'il qualifiera les années 1945-1947 de « période d'inaction forcée ». Il était alors tenu pour illégal au Royaume-Uni de changer d'emploi ! Après de nombreuses démarches, il réussit finalement à convaincre les autorités universitaires de lui permettre de reprendre ses études scientifiques en octobre 1947. Il suit en particulier le cours de mécanique quantique de Paul Dirac et celui de physique statistique de Fred Hoyle. Intéressé par la physique des liquides, il approche John Lennard-Jones, titulaire de la chaire de chimie théorique. Bien que ce dernier s'intéresse alors plutôt à la structure électronique des molécules, il accepte de diriger Pople pour une thèse en chimie théorique. Pople n'avait pourtant suivi aucun cours de chimie depuis l'âge de quinze ans !
Pople reste ainsi dix ans à Cambridge, soutenant en 1951 une thèse de mathématiques sur un sujet intéressant davantage les chimistes que les mathématiciens : les structures de liaison de l'eau. Il y examine la nature des paires isolées d'électrons, sources de la liaison hydrogène entre les molécules d'eau et donc ingrédient essentiel de la structure de l'eau liquide. Il bénéficie ensuite d'une bourse de recherche au Trinity College, puis est nommé en 1954 lecteur à la faculté de mathématiques. En 1958, il devient superintendant de la division de physique fondamentale du laboratoire national de Teddington, poste de fonctionnaire où il est surchargé de tâches administratives. Après un séjour sabbatique d'un an aux États-Unis en 1961-1962 à l'institut de technologie Carnegie et à l'institut Mellon à Pittsburgh (Pennsylvanie), il décide d'intégrer le milieu universitaire et de s'expatrier avec sa famille ; il rejoint en 1964 ces instituts qui devaient bientôt fusionner pour former l'université Carnegie-Mellon. Cette décision fait beaucoup de bruit en Grande-Bretagne, où journaux et parlementaires s'inquiètent de la fuite des cerveaux (Pople n'était pas seul dans son cas) organisée par les Américains.
C'est à Pittsburgh que Pople accomplit la plupart de ses travaux. En 1953, alors qu'il était encore à Cambridge, il avait développé une façon d'effectuer un calcul approché des orbitales moléculaires lorsqu'il suffit de considérer le comportement d'un seul électron par atome, comme dans le cas des hydrocarbures conjugués. Pendant ses premières années à Pittsburgh, il améliore considérablement cette méthode dite PPP (pour Pariser, Parr et Pople, car Rudolf Pariser et Robert Ghormley Parr l'avaient mise au point indépendamment). Les méthodes[...]
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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