BARDEEN JOHN (1908-1991)
John Bardeen est un physicien américain né le 23 mai 1908 à Madison, dans l’État du Wisconsin. La physique est une discipline paradoxale : les interrogations qu'elle suscite compensent en nombre et en importance les hypothèses qu'elle confirme. D'où le côté impatient, obstiné, passionné du physicien, confronté à la nécessité de l'explication. Impatient, John Bardeen ? On ne saurait l'affirmer. Obstiné, passionné ? Assurément. Il appartenait à cette grande famille des scientifiques américains tôt spécialisés et accoutumés aussi bien à la réflexion théorique qu'aux manipulations des laboratoires. Mais il fut un scientifique « pur », qui, contrairement à nombre de ses collègues, sut résister aux sirènes du business et s'efforça de faire prévaloir son goût pour la recherche et l'enseignement. Pourtant, les deux domaines auxquels son nom reste attaché – la physique des semi-conducteurs et la supraconductivité – ont rapidement ouvert, et ouvrent encore, des perspectives industrielles et commerciales considérables qui eussent justifié une dérive vers les affaires, à l'instar de William B. Shockley, par exemple, après la mise au point du transistor. Il se trouve que Bardeen donna la préférence aux laboratoires et aux amphithéâtres.
Il naît trois ans avant que le Néerlandais Heike Kamerlingh Onnes ne découvre, avec son compatriote Gilles Holst, le phénomène de la supraconductivité, qui, pendant plus de quarante ans – précisément jusqu'à ce que Bardeen en offre une explication définitive –, restera une des grandes énigmes de la physique contemporaine. Après un cycle d'études normal qui lui permet d'obtenir, à vingt et un ans, son master de génie électrique, il entre à la Gulf Research Development Corporation en qualité de géophysicien ; il y séjourne près de trois ans – ce séjour semble n'avoir rien présenté de remarquable – avant de trouver sa voie. C'est Princeton (1933-1936), puis Harvard, où il est chargé de cours (1936-1938). À Princeton, il prépare un doctorat de physique mathématique sous la direction d'Eugene Wigner, qui fut, avec John Van Vleck, un des plus éminents spécialistes américains de la physique des solides (Wigner recevra le prix Nobel de physique en 1963).
La guerre éclate. Comme la plupart des scientifiques américains d'alors, Bardeen suspend ses travaux pour mettre ses compétences au service de la nation. Il est intégré au Naval Ordnance Laboratory, à Washington, en qualité de physicien. C'est là qu'il élabore ses premières hypothèses tendant à expliquer le phénomène de la supraconductivité. À la même époque, dans les Bell Laboratories de Murray Hill, dans le New Jersey, William B. Shockley et Walter H. Brattain s'acharnent à mettre au point un amplificateur à base de cuivre, d'oxyde de cuivre et de germanium afin de répondre à des besoins spécifiques en matière de communications téléphoniques.
En 1946, Bardeen rejoint les Bell Laboratories. Il y restera jusqu'en 1951, aux côtés de Shockley et de Brattain. À son arrivée, les travaux de ces derniers sont dans l'impasse. Il est tout simplement impossible de réaliser un amplificateur à état solide (ce dispositif a pour mission de remplacer les tubes à vide) avec la technique utilisée. C'est Bardeen qui suggère de s'orienter vers l'étude des phénomènes de surface. Les recherches se développent dans ce sens et, le 23 décembre 1947, les trois hommes parviennent à obtenir un effet d'amplification sur la voix humaine. Le transistor est né.
Un jour de 1950, Bardeen reçoit un coup de téléphone de Bernard Serin, alors patron d'une équipe travaillant sur la supraconductivité à l'université Rutgers (New Jersey). Serin lui fait part d'une observation selon laquelle il semblerait que la température de[...]
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Écrit par
- Pierre GOUJON : mathématicien
Classification
Médias
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