CAGE JOHN (1912-1992)
Musiques de l'indétermination
Cage, qui vivra de 1954 à 1966 dans une petite communauté d'artistes à Stony Point, au nord de New York, s'aperçoit que les champignons (mushrooms) font, dans tous les dictionnaires, partie de l'environnement de la musique (music). Il entreprend donc de les étudier, et va devenir un mycologue réputé : il contribuera à la fondation de la Société de mycologie de New York. L'exemple des champignons – et en général des « modes d'opérer de la nature » – le confirme dans la certitude de l'inadéquation de nos tentatives de rationalisation, face à la complexité de ce qui est. L'œuvre musicale, dès lors, doit cesser d'être murée dans sa clôture d'objet : il faut la laisser respirer avec ce qui l'entoure, et se faire processus ; les déterminations qui lui sont prescrites de l'extérieur risquent de la mutiler. Dans cet esprit, la superposition et la juxtaposition, dans le happening, d'initiatives non exclusivement sonores, mais aussi bien poétiques, plastiques, visuelles en général, débouche sur une dé-sémantisation généralisée, laquelle affectera les textes, écrits et conférences du penseur John Cage au même titre que ses musiques. C'est l'époque de l'indétermination : Cage voyage en Europe avec Tudor (1954), écrit des partitions en se servant des imperfections du papier (Music for Piano, 1955), enseigne à la New School for social research (de 1956 à 1960), où il aura des disciples fervents – George Brecht, Al Hansen, Dick Higgins, Toshi İchiyanagi, Allan Kaprow, Jackson McLow ; l'exécution, au concert de rétrospective de ses vingt-cinq premières années d'activité (organisé par George Avakian en mai 1958), de son Concert for Piano and Orchestra, superposition de solos distincts, d'une partie de chef d'orchestre sans rapport avec ces solos, et d'une partie de piano écrite selon quatre-vingt-quatre procédures de notation distinctes – sans compter la possibilité de jeu simultané d'un certain nombre d'autres partitions : Aria, Solo for Voice I, Winter Music, Fontana Mix... – fait sensation. Dans la mouvance de cette création, des pièces comme Variations I (1958), Cartridge Music et Theater Piece (1960), et Atlas Eclipticalis (1961) conduisent à la théâtralisation du jeu instrumental et électro-acoustique. Une exécution « en temps réel » des Vexations de Satie, avec leurs 840 da capo, ouvre, en 1963, la porte aux musiques « planantes » : sa durée dépasse dix-huit heures d'horloge...
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Daniel CHARLES : musicien, philosophe, fondateur du département de musique de l'université de Paris-VIII
Classification
Média
Autres références
-
SONATAS AND INTERLUDES (J. Cage)
- Écrit par Juliette GARRIGUES
- 222 mots
- 1 média
En 1938, John Cage, qui professe alors à la Cornish School of the Arts de Seattle, invente le « piano préparé » en plaçant dans la caisse et entre les cordes toutes sortes d'objets : bouchons en caoutchouc, vis et écrous métalliques, lamelles de bois, morceaux de carton ou de papier... Il en résulte...
-
ALÉATOIRE MUSIQUE
- Écrit par Juliette GARRIGUES
- 1 301 mots
- 4 médias
-
ATONALITÉ
- Écrit par Juliette GARRIGUES et Michel PHILIPPOT
- 4 382 mots
- 9 médias
...effets nouveaux à partir d'instruments de musique traditionnels, fût-ce en les maltraitant. Un des premiers exemples fut le fameux « piano préparé » de John Cage. Aux alentours de 1975, une nouvelle école, dite « spectrale », voit le jour en France. Dans la musique spectrale, tout le matériau dérive... -
BODY ART
- Écrit par Anne TRONCHE
- 4 586 mots
- 1 média
L'origine de cette situation réside peut-être dans l'enseignement du musicienJohn Cage au Black Mountain College, en Caroline du Nord. Dès 1952, il y organise simultanément des lectures de poésie, des concerts de musique, des conférences, des exercices de peinture et de danse (concerted actions... -
BRECHT GEORGE (1926-2008)
- Écrit par Bénédicte RAMADE
- 628 mots
Né George MacDiarmid aux États-Unis, George Brecht s'est imposé comme l'un des membres essentiels du mouvement Fluxus dans les années 1960. Pourtant, sa formation de chimiste ne laissait en rien présager un tel parcours. En 1956-1957, il rédige un premier texte fondateur, Chance Imagery...
- Afficher les 23 références