ECCLES JOHN CAREW (1903-1997)
John Eccles est décédé à Locarno, au Tessin, le 2 mai 1997. Dans les années récentes, il avait été contraint de réduire sa prodigieuse activité d'écrivain et de conférencier sur les mécanismes cérébraux, ce qui pour lui fut une épreuve difficile.
John Carew Eccles a été une des figures les plus importantes de ce siècle dans le domaine des sciences du système nerveux. Au fil de sa longue carrière, ce neurophysiologiste d'excellence a su, par ses découvertes, mettre en place un certain nombre de concepts essentiels sur les mécanismes de la transmission synaptique dans le système nerveux périphérique et surtout dans le système nerveux central. Chef d'école incontesté, il sut rassembler autour de lui un nombre impressionnant de chercheurs qui, plus tard, surent se réclamer de cette collaboration prestigieuse.
Eccles naquit en 1903 en Australie, où il étudia et devint docteur à vingt-deux ans. Mais c'est à Oxford qu'il commença sa réelle activité de chercheur, sous la direction d'un autre éminent physiologiste, sir Charles Scott Sherrington. C'est au contact de ce dernier qu'il s'engagea dans les études sur la moelle épinière, sur les réflexes, et sur les mécanismes excitateurs et inhibiteurs qui gèrent les activités spinales.
De retour en Australie en 1937, il s'installa à Sydney, dans un petit institut, avec à ses côtés deux personnalités qui allaient elles aussi s'imposer par la suite, Bernhard Katz et Stephen Kuffler. Ce trio de grands chercheurs découvrit un phénomène capital, à savoir le potentiel de plaque motrice, dépolarisation lente témoin des processus ioniques se déroulant à la jonction neuromusculaire, lorsque l'influx nerveux arrive au niveau de la fibre motrice qu'il commande. Découverte fondamentale qui consacrait la singularité de la jonction synaptique. Devenu en 1943 professeur de physiologie à Dunedin (Nouvelle-Zélande), Eccles s'intéressa aux synapses du système nerveux central, en particulier au niveau des motoneurones, neurones moteurs de la moelle qui commandent les muscles. Il y mit en évidence l'équivalent du potentiel de plaque motrice, qui fut alors baptisé potentiel synaptique excitateur. Avec Brock et Coombs, il bâtit une théorie cohérente de la transmission synaptique dans la jonction monosynaptique au niveau du motoneurone spinal, ceci grâce à des enregistrements intracellulaires. Il proposa que la transmission synaptique centrale fût liée à une causalité purement électrique, au jeu des dépolarisations lentes créées dans la membrane motoneurale par les courants liés à l'arrivée de l'influx présynaptique. Cette « théorie électrique de la transmission synaptique », comme on l'appela alors, contrastait avec la conception « chimique » qui reposait sur l'intervention d'un médiateur, en pratique l'acétylcholine, qui, dès cette époque, était reconnue comme vraie dans le cas de la transmission périphérique nerf-muscle. C'est encore à propos de l'activité des motoneurones qu'il devait faire la seconde de ses découvertes. Par dérivation intracellulaire dans les motoneurones, il mit en évidence une hyperpolarisation membranaire comme intermédiaire de l'action inhibitrice (potentiel postsynaptique d'inhibition). Ce fut une nouvelle étape importante et l'occasion d'une polémique, car il put prouver, contre d'autres auteurs et avec des données irréfutables à l'appui, que la transmission inhibitrice était disynaptique, exigeant comme intermédiaire un interneurone. Bientôt, pourtant il dut se rendre à l'évidence que sa « théorie électrique » de la transmission synaptique, imaginée pour le cas de l'excitation, ne pouvait expliquer celle qui gérait l'inhibition. Très rapidement, il reconnut son erreur, et en une volte-face qui fut parfois mal perçue, mais qui est, avec le recul, à mettre au crédit de son extraordinaire honnêteté intellectuelle, il démontra, avec Paul Fatt, que[...]
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Écrit par
- Pierre BUSER : membre de l'Académie des sciences, professeur émérite à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
Classification
Autres références
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NEUROBIOLOGIE (HISTOIRE DE LA)
- Écrit par Jean-Gaël BARBARA
- 3 889 mots
- 3 médias
...élémentaire du neurone progresse au cours des années 1950, par l’enregistrement électrique dit « intracellulaire » mis au point par le physiologiste australien John C. Eccles. On démontre alors que le neurone (Eccles, 1952), ou précédemment l’axone géant du calamar (A. L. Hodgkin, 1939), produit une brusque variation...