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POWYS JOHN COWPER (1872-1963)

Powys est une des figures les plus fortes de la littérature contemporaine. Si Miller et Dreiser le considèrent comme un génie, d'autres sont plus impressionnés par le gigantisme de ses romans et par la complexité d'une nature travaillée d'angoisses obsessionnelles que par son talent. En fait, l'étrange personnalité névrotique de Powys et son œuvre, où il ne cesse de se projeter, sont trop étroitement mêlées pour qu'il soit possible de les dissocier. Grâce à la croyance profonde de Powys en toutes sortes d'exutoires par lesquels combattre le Mal (fétichisme, rites, magie personnelle, détachement volontaire de la souffrance, contemplation extatique), il a élaboré un système où la sagesse la plus réaliste voisine avec une vision baignée de préhistoire et de cosmogonie. L'alliance entre le bas et le haut, le lyrisme et le détail sordide ou insolite, l'humour iconoclaste et la rêverie cosmique, donne à ses romans leur ton si particulier, qui évoque alternativement les sœurs Brontë, Swift, Blake ou Joyce, sans qu'il soit possible de le confondre avec celui d'aucun autre écrivain.

Poète, critique, conférencier, essayiste et enfin romancier (après la quarantaine), Powys n'a jamais voulu se laisser enfermer dans aucune forme ; tout chez lui s'imbrique et se complète dans une géniale perception de l'originalité chaotique de l'être.

Protée et ses métamorphoses

Le thème central des métamorphoses se développe au fur et à mesure de l'œuvre. Dès les premiers romans se débat un anti-héros, qui est, par bien des traits, le reflet de John Cowper Powys lui-même : hésitation devant l'action, nostalgie d'une mort ou d'un sommeil évitant la douloureuse connaissance de soi, choix du suicide contre le mariage et la procréation, qui impliquent la coupure d'avec un milieu familial trop aimé. Powys suggère alors que l'unique solution pour ne pas être à la merci de ces puissants qu'incarnent les « seigneurs de la vie », les riches, les hommes virils et castrateurs, les psychiatres et les vivisecteurs, ou Dieu lui-même en tant que cruelle Cause première, est de savoir émigrer en d'autres sphères, « subhumaines » ou « surhumaines », grâce auxquelles s'évader du présent.

L'écrivain fait surgir un monde de rêve intérieur plus puissant que tout réel, et exprime une empathie si grande pour le minéral, le végétal, l'animal que le héros, loin d'être confiné là où une fatalité le poursuit, se trouve déjà libéré, dissocié, scindé, multiplié, hors d'atteinte, protégé par ses diverses incarnations. C'est ce qu'affirme le premier roman de Powys, maladroit peut-être, mais révélateur, Bois et Pierre (Wood and Stone, 1915), où le paria Quincunx perdure envers et contre tous. Les deux romans qui suivent, par leur description du joug des instincts de mort, laissent prévoir la nécessité pour l'anti-héros de transmuer l'autodestruction en pouvoir créateur. Rodmoor (1916), peut-être le plus sombre de ces romans, dans lequel meurent trois personnages, est hanté par l'océan, dont l'eau maléfique prend une importance d'autant plus grande qu'elle dévoile l'identification des fils à une mère à la fois masochiste et dévoratrice. Dans Givre et Sang (Ducdame, 1925), le protagoniste s'identifie au givre, à la neige, aux brumes cimmériennes au point de se sentir détaché de tout amour et de pouvoir se réfugier dans une solitude mortelle qu'aucune femme ne parvient à peupler ni à vaincre. Mais c'est avec Wolf Solent (1929) que ce désir de fuite prend sa dimension véritable, sa puissance créatrice. Ici, le « double » de John Cowper s'invente une mythologie personnelle, grâce à laquelle il cesse d'être embourbé dans la futile obsession du Bien et du Mal ; mythologie fluide à l'apparence[...]

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    ...qui, comme lui, traitent de l'éternel conflit entre bien et mal : les catholiques Greene, Burgess et Spark). « Drogué naturel », rêveur et visionnaire, John Cowper Powys tient à la fois de Blake et de Thomas Hardy ; la tension entre les deux pôles d'un univers manichéen est traitée sur le mode imaginatif...
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    Chez John Cowper Powys, on rencontre également, sous une forme plus épurée, une très haute conscience (mystique, il est vrai) de la beauté secrète de l'univers total et de chacun de ses éléments, notamment dans son Autobiographie. Les rares méditations explicitement religieuses sont catholiques,...