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DOS PASSOS JOHN (1896-1970)

John Dos Passos - crédits : Bettmann/ Getty Images

John Dos Passos

L'abandon des valeurs traditionnelles américaines par une société avide de réussite et d'argent préside, dans les années vingt, à l'avènement des écrivains de la «  génération perdue ». Comme eux, John Dos Passos s'interroge sur le destin de l'Amérique et du monde. Comme eux, il est l'homme d'une époque, celle de la Première Guerre mondiale, celle de l'illusoire prospérité dont les plus solides bastions s'écroulent dans le krach de Wall Street, avant que le New Deal n'apparaisse avec Franklin Roosevelt et que la guerre d'Espagne ne vienne – après la révolution d'Octobre – secouer à nouveau la lointaine Amérique. Mais si, tel un autre voyageur, Hemingway, Dos Passos s'intéresse au Vieux Monde en curieux professionnel, le thème essentiel de son œuvre – et notamment la trilogie U.S.A. – reste ancré dans trente ans de vie américaine – de la naissance du xxe siècle à la veille du Mardi noir du 29 octobre 1929. C'est l'histoire collective et individuelle de ce qu'il nomme « les deux Amériques » – celle de l'oppression du grand capital qui conduit Sacco et Vanzetti à la chaise électrique en 1927, et celle des immigrants et de la classe ouvrière opprimée à laquelle il s'identifie pour un temps.

Pour dénoncer l'aliénation de l'homme américain, Dos Passos fait preuve d'une originalité et d'une invention littéraire dont U.S.A. marque l'accomplissement. Dès la Seconde Guerre mondiale, cependant, un changement s'amorce dans les thèmes comme dans l'écriture, et le romancier abandonne la défense de l'under-dog, exploité et annihilé, pour se consacrer à un portrait de l'Amérique conforme à l'idéologie dominante. Il ne retrouve plus l'élan souvent lyrique ni le plaidoyer passionné de naguère. Pourtant, ni le désaveu de l'auteur, ni les réticences possibles du lecteur n'empêcheront U.S.A. comme La Condition humaine de Malraux, de rester à la fois un témoignage écrasant et un monument de la littérature.

Points et contrepoints

Lié à l'esprit d'aventure et aux tendances anarchisantes de certains immigrants par son grand-père portugais, John Roderigo Dos Passos appartient aussi à la grande tradition américaine par son père. Tambour à quatorze ans dans les armées de la guerre civile, celui-ci suit en grandissant la route désormais classique du self-made man. Réussite et promotion sociale sont consommées lorsqu'il s'établit à New York comme avocat. John Dos Passos naît en 1896 à Chicago, connaît l'enfance heureuse d'un fils de famille aisée, et, après l'école préparatoire de Choate School, termine ses études à Harvard où il entre à seize ans. Sa vocation d'écrivain s'affirme déjà : soucieux d'esthétique et de littérature, il fait paraître nouvelles, poèmes et critiques dans le mensuel de l'université où il côtoie le poète E. E. Cummings. Dûment diplômé cum laude, il quitte Harvard en 1916 et part pour l'Espagne. Là, il se passionne pour Pío Baroja dont le non-conformisme et l'exaltation des valeurs individuelles l'influencent profondément. De retour aux États-Unis, il publie la première version de Rossinante reprend la route (Rosinante to the road again) et s'engage dans la fameuse division d'ambulances Norton-Harjes – lieu de rencontre de la « génération perdue » pendant la Première Guerre mondiale. Il conte son expérience dans L'Initiation (One Man's initiation, 1920), essai bientôt transposé et appuyé par Trois Soldats (Three Soldiers) qu'il écrit en Espagne après avoir été démobilisé en France. Ce premier roman important paraît en 1921 : Dos Passos y attaque l'appareil militaire et démystifie les symboles et la gloire de la guerre.

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Écrit par

  • : agrégée d'anglais, maître assistante à l'université de Paris-VII

Classification

Média

John Dos Passos - crédits : Bettmann/ Getty Images

John Dos Passos

Autres références

  • MANHATTAN TRANSFER, John Dos Passos - Fiche de lecture

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    • 901 mots

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