DRYDEN JOHN (1631-1700)
Dryden offre l'exemple d'une carrière littéraire et politique tout entière consacrée au métier d'écrivain. Sans pouvoir se flatter de posséder un titre de noblesse, mais neveu d'un « baronet », il voulut et sut se concilier la faveur des grands d'Angleterre et de Charles II qui, en 1668, lui décerna le titre de poète lauréat. Quel fut le sens de l'engagement de Dryden dans la cité, sous le régime de Cromwell, puis sous la Restauration et dans le conflit entre whigs et tories jusqu'à la révolution de 1688, qui vit l'instauration d'une monarchie soumise aux prérogatives d'un parlement whig ? La réponse à cette question centrale justifie l'intérêt que l'on porte à son œuvre de poète et de critique et à l'évolution d'un tempérament et d'un esprit expert en tous les genres. Il est, comme l'a reconnu au xviiie siècle le docteur Johnson, le « père de la critique anglaise moderne ».
Un homme prudent
Au siècle de Hobbes, doctrinaire de l'absolutisme et de la raison d'État, Dryden se distingua surtout par sa prudence mondaine, s'opposant ainsi à Milton (1608-1674), son aîné, qu'il admirait, et, sans être aussi rigoureux que Boileau, il chercha à définir les principes d'une esthétique classique adaptée au goût anglais. Il y eut en lui trop de lucidité pour qu'il cédât jamais aux impulsions du moment, mais assez d'habileté politique pour qu'il échappât à l'accusation d'opportunisme. Il eut une conception assez haute du métier d'écrire pour en faire un magistère, tout en gardant quelque souvenir de l'exubérance élisabéthaine, ce qui l'empêcha d'être, malgré son attachement à la raison et à l'ordre, un vrai classique.
En octobre 1660, au retour du roi exilé, Dryden oublie son poème à la gloire de Cromwell, Heroic Stanzas (Stances héroïques, 1659), et publie un panégyrique du souverain (Astraea Redux) en des vers où son vrai talent commence de se faire jour. Il devient membre de la Société royale des sciences, dont Robert Boyle était le fondateur avec Newton ; c'est dans ce milieu qu'il participe au renouveau de la langue littéraire, attentif à débarrasser celle-ci de la rhétorique cicéronienne et soucieux de clarté logique. Sa carrière dramatique commence en 1661 ; influencé par les tragi-comédies de Corneille, il fait jouer Le Galant débridé (The Wild Gallant) puis La Reine des Indes (The Indian Queen), que Purcell mit en musique. La pièce a beaucoup de succès. L'Essai sur la poésie dramatique (Of Dramatick Poesie, An Essay, 1668) indique la ferme intention de Dryden de « rivaliser » avec les Français et de défendre l'honneur de « notre langue anglaise ». La peste de Londres le contraint momentanément de renoncer à la scène en 1665 ; mais, à la suite du grand incendie, en septembre 1666, Dryden voit venir l'heure de la gloire : alors que les Anglais venaient de couler des bateaux hollandais dans la Tamise et que Charles II apparaissait comme le principal auteur d'un miracle en faveur de la nation, il compose un long poème, Annus Mirabilis (1667), éloge de l'ordre revenu, contre la violence du destin et les désordres des puritains fanatiques. Désormais, l'« enthousiasme » (entendons la passion religieuse) est éteint, réprimé, ridicule. Dryden devient poète lauréat. Annus Mirabilis est écrit en trois cent quatre strophes « héroïques », vigoureuses, mais monotones à la longue ; toutefois, le style, qui se veut proche du classicisme de Malherbe, abonde en ornements qui rappellent la dette de Dryden envers ses contemporains, les « poètes métaphysiques » tels que Cowley (1618-1667).
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Écrit par
- Jacques BLONDEL : professeur émérite à l'université de Clermont-II
Classification
Autres références
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SHADWELL THOMAS (1642-1692)
- Écrit par Henri FLUCHÈRE
- 756 mots
Né dans le Norfolk, Thomas Shadwell est étudiant à Gonville and Caius College (Cambridge), puis passe au Middle Temple (Londres). Selon la coutume des jeunes intellectuels, il voyage quelque temps sur le continent. À son retour, il prend le goût du théâtre et fait jouer sa première pièce, ...