GOWER JOHN (1330?-1408)
Cet ami de Chaucer qui l'appelait the moral Gower, originaire du Kent, d'une famille fortunée, fit ses études à Merton College (Oxford) et fréquenta, sans doute, cette vieille bibliothèque où les livres étaient enchaînés. Gower fit du droit et se fixa à Londres, où il était un familier de cour. Il devint aveugle vers la fin de sa vie. Sa mort survint peu après qu'il eut fait son testament et sur sa tombe le gisant qui le représente pose sa tête sur les trois volumes qui figurent ses œuvres : Speculum meditantis (ou « Miroir de l'homme »), poème didactique de trente mille vers français (ce qui tendrait à prouver qu'il n'était pas sûr de savoir quelle langue l'emporterait), où les sept vices luttent avec les sept vertus pour la possession de l'homme (la seule chance de l'homme c'est le repentir) ; Vox clamantis (1382 ?), poème latin de dix mille vers, qui relate sans tendresse la révolte des paysans de 1381, qui mit le trône en danger et fit trembler la noblesse dans plusieurs comtés (le jeune roi, Richard II, promit aux paysans des franchises qui leur furent refusées par les propriétaires des terres après que Wat Tyler, le chef de la révolte, eut été tué à Londres — le poème stigmatise les fautes de tous les rangs de la société : le clergé, la noblesse, les paysans, les boutiquiers, les hommes de loi, mais ce monde-là va s'écrouler) ; enfin, Confessio amantis, le plus célèbre de ses poèmes ; écrit en anglais entre 1386 et 1390, et sans but didactique, il comporte trente quatre mille octosyllabes rimés et se propose seulement de chanter l'amour. On songe aux œuvres interminables de cette fin du Moyen Âge, le Roman de la Rose par exemple, dont Gower s'est inspiré. Le poète, victime de l'amour, se promène dans un bois et rencontre Vénus qui lui conseille de se confesser à son prêtre, Genius. Ce qu'il fait ; le prêtre l'écoute et, jouant le rôle de consolateur et de moralisateur, le met en garde contre les sept péchés mortels et lui raconte des histoires : ce sont ces histoires qui constituent le corps du poème. Après quoi, Vénus réapparaît, fait voir au poète ses cheveux gris dans un miroir et le déclare trop vieux pour hanter sa cour.
Lourds poèmes didactiques qu'on n'a plus guère envie de lire. On leur préfère la vivacité et la truculence de son ami Chaucer. Gower fait bien fin de Moyen Âge. Sa hantise des sept péchés capitaux nous met au bord de l'ennui. Il est étrange que ce poète, qui a été témoin des horreurs de la révolte des paysans, n'ait pas eu la prémonition de la ruine prochaine d'une société et d'une forme de civilisation. Richard II, son roi, sera le dernier roi médiéval, et quand Gower fait disparaître son nom de la dédicace de sa Confessio amantis pour le remplacer par celui de Henri IV, l'usurpateur, il payait son tribut, sans en avoir vraiment conscience, à l'avènement d'une ère nouvelle, qui se soucierait moins des péchés capitaux et davantage des rapports des hommes entre eux.
On peut dire que la langue de Gower est proche de celle de Chaucer. Elle témoigne, comme la sienne, de la fixation de l'anglais moyen, c'est-à-dire du dialecte de Londres et du Kent, comme langue littéraire.
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Écrit par
- Henri FLUCHÈRE : doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence
Classification
Autres références
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ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature
- Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ , Jacques DARRAS , Jean GATTÉGNO , Vanessa GUIGNERY , Christine JORDIS , Ann LECERCLE et Mario PRAZ
- 28 170 mots
- 30 médias
...poésie, qui trouve son allégorie confuse et répétitive, et son informalité non moins monotone que la forme pétrifiée des œuvres du poète de cour John Gower (1330 env.-1408) et, pis encore, de John Lydgate (1370 env.-1450 env.), qui laissa plus de vers qu'aucun autre poète du Moyen Âge. Un seul...