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GRIERSON JOHN (1898-1972)

Né à Deanston (Écosse), John Grierson est reconnu comme le père du documentarisme anglais et l'un des maîtres du documentaire mondial ; alors qu'il n'a signé que peu de films, dont Drifters, qui a suffi, à juste titre, à asseoir son autorité. Il a été surtout un animateur exceptionnel et un théoricien écouté (on le crédite d'avoir lancé le mot « documentaire » – en réalité antérieur et alors employé de façon plutôt péjorative à propos de Moana, de Robert Flaherty en 1926) –, militant inlassablement pour un cinéma qui tiendrait compte des préoccupations de son temps, fuyant les studios, les acteurs, les mises en scène conventionnelles et les scénarios écrits à l'avance, sans pour autant renoncer à l'imagination du créateur et à l'inspiration du poète.

De retour au Royaume-Uni après un séjour aux États-Unis, John Grierson fonde le service cinématographique du ministère du Commerce extérieur (Empire Marketing Board Film Unit), pour la propagande des produits de l'Empire britannique. En 1929, il tourne Drifters, un film sur la pêche aux harengs en mer du Nord, qui fera date dans l'histoire du documentaire. L'EMB Film Unit se développe, relayé par le General Post Office Film Unit (au sein du ministère des Postes), qui deviendra, toujours sous la direction de John Grierson, le lieu le plus dynamique du cinéma britannique des années 1930. Désormais producteur, occasionnellement coréalisateur, John Grierson fait appel à des réalisateurs étrangers de talent, comme l'Américain Robert Flaherty (Industrial Britain, 1933) et le Franco-Brésilien Alberto Cavalcanti (Coal Face, 1935).

Son influence a marqué une équipe constituée de réalisateurs assez talentueux pour sauvegarder leur personnalité tout en se reconnaissant dans les orientations proposées par un visionnaire à la fois réaliste et de tempérament plutôt irascible. Quelques titres, retenus par l'histoire du cinéma, doivent beaucoup au talent de leur auteur, mais aussi à l'ambiance stimulante de l'équipe, dont l'influence s'étend à de grandes sociétés commerciales ayant découvert les vertus publicitaires du cinéma de qualité : Night Mail (Harry Watt et Basil Wright, 1936) ; Song of Ceylon (Basil Wright, 1934-1935) ; Housing Problems (Edgar Anstey et Arthur Elton, 1935). Dans cette équipe se révéla aussi Paul Rotha, qui fut, comme Grierson lui-même, un théoricien du « cinéma du réel » et un redoutable polémiste. Le documentaire offre peu d'exemples d'une équipe aussi soudée par une perspective commune. John Grierson fonda encore, en 1937, le Crown Film Unit, puis, au Canada, l'Office national du film (1939), qu'il dirigea pendant la Seconde Guerre mondiale, lançant des séries de films au service de la propagande antinazie, comme World in Action.

Il quitte l'Office national du film en 1945, travaille pour l'U.N.E.S.C.O., revient en Grande-Bretagne en 1950 et poursuit infatigablement son action de producteur, d'animateur, de polémiste et de conseiller, dans son pays et à travers le monde. Son influence, même indirecte, fut considérable. Le Crown Film Unit continua son action pendant la guerre (à travers l'œuvre, notamment, d'Humphrey Jennings), et le free cinema des années 1950, tout en accusant de sclérose le mouvement documentariste d'après-guerre, ne put récuser son influence. Par ses écrits, par son action, John Grierson fut le lointain précurseur du « cinéma-vérité » d'Amérique du Nord, qu'il ne fut pas le dernier à saluer.

— Guy GAUTHIER

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Écrit par

  • : écrivain et critique de cinéma, ancien chargé de cours à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot, docteur de troisième cycle, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Cinéma

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    ...photographes James Williamson et George Albert Smith y découvrent, en filmant leur ville, les vertus d'un langage cinématographique qui se « fictionnalise ». Mais il faut attendre la fin des années 1920 pour qu'apparaisse John Grierson. Théoricien, maître du documentaire britannique, il réalise en 1929...