HARBISON JOHN (1938- )
Compositeur prolifique autant que polymorphe, l'Américain John Harbison semble avoir, dès le berceau, bénéficié de la bienveillance d'une fée. Né le 20 décembre 1938 à Orange (New Jersey) dans une famille très musicienne, il improvise au piano dès l'âge de cinq ans et anime un groupe de jazz à douze ans à peine. Il a pour maîtres Walter Piston à l'université Harvard (où il obtient le diplôme de bachelor of arts en 1960), Boris Blacher à la Musikhochschule de Berlin (1961), Roger Sessions et Earl Kim à l'université de Princeton (qui lui confère le grade de master of fine arts en 1963). Roger Sessions est indubitablement la personnalité dont les conseils et l'enseignement ont le plus profondément marqué John Harbison.
S'il doit attendre 1977 pour voir son talent créateur s'imposer dans son pays – avec la création de Diotima, pour orchestre, commande de la fondation Koussevitzky pour le Boston Symphony Orchestra –, ses qualités de chef d'orchestre sont en revanche très tôt reconnues par la critique et le public. De fait, la liste des orchestres symphoniques et des ensembles de musique de chambre prestigieux qu'il a eu l'occasion de diriger (Orchestre philharmonique de Los Angeles, Orchestre symphonique de Boston, Scottish Chamber Orchestra, Saint Paul Chamber Orchestra, ensemble Collage, Emmanuel Music de Boston...) est aussi éloquente que celle des prix de composition dont il est le lauréat – le plus fameux étant le prix Pulitzer, reçu en 1987 pour son « ricercare sacré » The Flight into Egypt – ou encore que celle des postes de pédagogue qu'on lui a confiés : nommé en 1969 professeur au Massachusetts Institute of Technology, il enseignera aussi au California Institute of the Arts (CalArts) de Valencia, à l'université de Boston, à la Duke University de Durham (Caroline du Nord)...
Dans la plupart des cas néo-tonale, la musique de John Harbison s'inscrit dans un courant « néo-classique » fort en vogue outre-Atlantique. Cependant, pluraliste dans ses manifestations esthétiques, l'œuvre de ce créateur ne se réduit pas à un « postmodernisme » labellisé made in America. Aussi éloignée des recherches modernistes d'Elliott Carter que des préoccupations répétitives de Steve Reich, étrangère à la néo-tonalité démagogique de John Adams aussi bien qu'à l'indéterminisme de John Cage ou à l'abstraction de Morton Feldman, la musique de John Harbison manifeste, à vrai dire, un style bien singulier.
Parcourue d'effluves de jazz (Remembering Gatsby : Foxtrot for Orchestra, 1985), recourant à une tonalité souvent âcre, évoquant celle du meilleur Prokofiev (Deuxième Symphonie, 1987), son œuvre manifeste un talent mélodique remarquable, allié à une grande sensibilité (expressionniste ou néo-romantique, selon le cas) qui n'en est pas moins régie par une extrême rigueur d'écriture s'exprimant notamment au travers d'une maîtrise contrapuntique aussi habile qu'inventive. Harbison n'hésite nullement à revisiter les formes baroques et classiques : la fugue (Quintette avec piano, 1981), le choral (Deuxième Quatuor à cordes, 1987), la chaconne (The Most Often Used Chords, pour orchestre de chambre, 1993), la passacaille (I, II, III, IV, V : Fantasia on a Ground, pour cordes, 1993), la polychoralité de Giovanni Gabrieli (Concerto pour double chœur de cuivres et orchestre, 1990), le lied schubertien (Mottetti di Montale, pour mezzo-soprano et piano, 1980).
Harbison met à profit tous les genres, formes et techniques afin d'enrichir sa palette sonore de moyens d'écriture répondant à une volonté d'expression définie comme « subjective ». Il en est ainsi de la tonalité ou de l'atonalité (Deuxième Quatuor à cordes, 1987 ; Simple Daylight, pour soprano et piano, 1988), du jazz (Duo, pour flûte[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
Classification