NEWMAN JOHN HENRY (1801-1890)
Les plus grands théologiens du catholicisme sont parfois des hommes qui ont été formés hors de son sein. C'est le cas de saint Augustin, c'est celui aussi de Newman. Sa pensée est l'héritière en droite ligne de celles des grands anglicans, Hooker, Butler, Coleridge, qu'il a acclimatées dans le catholicisme. Ceux-ci ont eu le sens de l'histoire et s'étaient interrogés sur l' historicité du christianisme bien avant qu'on ait songé à le faire dans le catholicisme. Au moment de son adhésion à l'Église catholique, Newman donna, dans son Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, cette raison, aujourd'hui familière mais au premier abord surprenante, qu'il se ralliait à elle parce qu'elle était l'Église, non de l'immutabilité, mais du développement, l'Église insérée dans l'histoire, en un mot l'Église réelle. Cette perception était liée aussi à une philosophie que Newman, tout au long de son œuvre, a formulée avec toujours plus de vigueur et de clarté.
L'œuvre de Newman, demeurée longtemps méconnue et mal comprise, même au sein de l'Église catholique, qui a pourtant conféré à son auteur la dignité cardinalice (1879), est la première œuvre de théologie qui tienne compte de l'historicité de l'Église et l'étudie dans toutes ses dimensions. Elle rencontre cent ans plus tard un regain d'intérêt dans l'ère de réformes et de transformations consécutives au IIe Concile du Vatican.
Le tractarien
La première partie de la carrière de John Henry Newman, né à Londres, se déroula à l'université d'Oxford (1833-1841), où il rencontra ceux qui allaient lancer avec lui le mouvement des Tracts for the Times : R. H. Froude, J. Keble, J. H. Bowden, E. B. Pusey, R. W. Church. Ce mouvement fut, à l'origine, une protestation contre le régime d'une Église établie soumise à un État en voie de sécularisation ; mais il devint très vite une école de spiritualité et un courant de théologie au sein de l'anglicanisme. Les Tracts eurent aussi une préoccupation historique : un bon nombre d'entre eux sont consacrés à la doctrine des Pères de l'Église et à celle des « théologiens carolins » de l'anglicanisme ; d'autres visaient à restaurer certains aspects traditionnels du christianisme ; mais les Tracts ne furent pas un mouvement de « haute Église » à caractère liturgique, comme on le croit souvent. Newman écrivit lui-même près du tiers de ces brochures d'ampleur variable. Dans la dernière, le Tract 90, il affirmait qu'on devait pouvoir vivre au sein de l'Église anglicane avec des opinions catholiques.
En matière d' ecclésiologie, l'aspect le plus caractéristique du Mouvement d'Oxford est d'avoir soutenu la théorie dite des branches de l'Église (Branch Theory) ou encore de la via media. D'après cette théorie, l'Église catholique subsiste en trois branches : la grecque, l'anglicane et la romaine. Chacune d'entre elles est réellement et identiquement l'Église catholique ; la séparation est venue des circonstances historiques ; il n'y a pas eu de schisme entre elles et il n'y en a pas vraiment tant que l'une des branches ne vient pas s'installer sur le terrain des autres. L'anglicanisme est, en outre, une via media entre le protestantisme et Rome, car il fait sien le principe de réforme de l'Église et, par ailleurs, il maintient contre le protestantisme l'autorité de la tradition. N'ayant pas derrière eux de système de théologie bien défini, les tractariens cherchèrent à en constituer un à partir des Pères de l'Église, des théologiens anglicans du xviie siècle et de l'histoire générale du christianisme. La force de leur position (bien exprimée dans[...]
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Écrit par
- Bernard DUPUY
: directeur du Centre d'études Istina et de la revue
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