NEWMAN JOHN HENRY (1801-1890)
Le converti
Au terme de ces réflexions sur la croyance, Newman tenait pour une évidence que le protestantisme est dans l'erreur en récusant la tradition comme telle, et qu'il y a des raisons positives d'adhérer au catholicisme plutôt qu'à aucune autre forme de confession de foi. Autrement dit, l'idéal de la via media entrevu dans les débuts du « mouvement des Tracts » ne lui apparaissait plus guère défendable. La véritable Église doit être constituée par un peuple unanime sur toute la terre : seule l'Église catholique peut fournir ce critère. Une forte présomption l'inclinait donc à rencontrer cette Église catholique dans la grande Église traditionnelle qui a son centre à Rome. Cependant, des obstacles le retenaient encore : il y a eu des scandales dans l'histoire de l'Église, des affrontements entre papes et antipapes, entre conciles et anticonciles (c'était l'objection de l'historien Chillingworth). L'Église a résolu les oppositions en promulguant sa doctrine. Il reste donc à examiner si les développements de cette doctrine sont légitimes. Une dernière objection était enfin soulevée parmi les anglicans : il y a des exagérations dans la doctrine que Rome professe ; elle ne saurait les imposer à ses fidèles en vertu de son autorité canonique (c'était l'objection du tractarien J. B. Mozley) : le vrai développement que Newman cherche à reconnaître et à mettre en évidence doit donc être assuré d'une cohérence, d'une continuité à travers l'histoire, et il doit se signaler, par conséquent, par l'existence d'invariants, de critères de fidélité aux origines. Pour reconnaître la vérité et se frayer une voie au milieu de ces objections, il faut commencer par poser l'hypothèse du développement et reconnaître les vrais développements dans la vie de l'Église. Tel est le propos de l'Essay on the Development of Christian Doctrine (Essai sur le développement de la doctrine chrétienne) que Newman rédigea d'un trait en 1845 et à la suite de quoi il fit son entrée dans l'Église catholique.
Newman montre dans cet ouvrage que la marque du catholicisme, c'est son historicité. Il est une religion réelle, historique, et non pas une théorie, un système. « Le monde est sa patrie ; pour savoir quel il est, nous devons le chercher dans le monde et écouter le témoignage que le monde porte sur lui. » Bref, le catholicisme – c'est le mot clef du livre – est une « idée », comme on parle d'une idée-force. Bien qu'il ait emprunté cette terminologie à F. Guizot, Newman ne l'explique jamais complètement. L'idée, pour Newman, concerne principalement le réel d'où elle jaillit, mais peut aussi parfois s'en distinguer. Elle est le principe spirituel animateur du réel. Elle est une réalité à la fois individuelle et sociale, immanente et transcendante. Elle se traduit au dehors par une institution, un corps de doctrine, un processus historique, un ethos ou une idée (au sens, ici, où l'on parle d'une « grande idée »). L'idée est « la somme de tous les aspects qui la révèlent », parce que son but est de démontrer que tous les aspects de l'idée doivent finalement être développés (chap. i).
La première partie de l'Essai est consacrée à montrer que l'hypothèse du développement est probable, c'est-à-dire qu'elle s'impose à l'esprit non certes par des arguments démonstratifs, mais peu à peu et par une série de probabilités convergentes. Que le christianisme soit appelé à se développer, la symphonie de ses doctrines y incline, et globalement l'idée est cohérente. Le caractère positif, thétique du catholicisme contraste avec l'attitude réflexive, critique de ses opposants, et c'est l'indice d'une vraie idée. Le monde lui-même établit une présomption en sa faveur,[...]
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Écrit par
- Bernard DUPUY
: directeur du Centre d'études Istina et de la revue
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