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KEATS JOHN (1795-1821)

Les odes et derniers sonnets

Sans doute les œuvres épiques et narratives de Keats souffrent-elles de la désaffection que les modernes ressentent pour les longs poèmes, forcément inégaux. De beaucoup la partie la plus lue et la plus admirée de l'œuvre de Keats est la série de grandes odes qu'il composa en 1818-1819. Rien en effet ne les égale en Angleterre ou même en France et en Allemagne, en dehors de quelques odes de Shelley et de certains hymnes de Novalis et de Hölderlin.

Quatre de ces odes furent écrites avec une rapidité peu commune en mai 1819 : Ode to a Nightingale, Ode on a Grecian Urn, Ode on Melancholy, Ode on Indolence. L'Ode to Autumn fut composée en octobre de la même année. Le 3 mai de l'année précédente, Keats avait incorporé dans une lettre à un ami, J. H. Reynolds, un poème de quatorze vers qu'il donnait comme le fragment d'une Ode à Maia, mère d'Hermès, en fait un morceau achevé et d'une rare splendeur. L'Ode à un rossignol, la plus longue et la plus dramatique, est tout entière un mouvement vers la mort, appelée et désirée par le poète tandis qu'il écoute, dans un décor de printemps voluptueux, le chant de l'oiseau qui, lui, n'était pas fait pour mourir : toujours son chant a consolé grands et pauvres, et la Ruth biblique, exilée parmi les blés étrangers. L'Ode sur une urne grecque, avec sa célèbre identification de la vérité avec la beauté lue comme le message offert par les peintures de ce vase antique, évoque la supériorité de l'art, durable et triomphant des années, sur la vie inquiète et éphémère. L'Ode sur la mélancolie est plus douloureuse, car celle-ci, comme chez Lucrèce, apparaît au sein même des plaisirs les plus délicieux : la dernière strophe en est grave et profonde. L'Ode sur l'indolence est moins harmonieuse de structure et dit le plaisir de s'abandonner parfois à une langueur voluptueusement passive. L'Ode à Psyché, la dernière en date des déesses acceptées par le panthéon hellénique, est plus somptueuse et caressante ; elle montre en Keats l'adorateur des divinités païennes, dont il promet, dans la strophe finale, de se faire le chantre et le prêtre. Sa beauté troublante et tremblante de sensualité sera goûtée par les poètes britanniques de l'art pour l'art qui exclut morale et religion. Enfin l'Ode à l'automne, plus sereine, dont le moi du poète est absent, évoque la félicité d'un paradis d'où l'angoisse de la mort et la turbulence de la vie sont bannies. C'est peut-être le poème le plus parfait de la langue anglaise.

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université Yale, Connecticut, États-Unis

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<em>John Keats</em>, J. Severn - crédits : DeAgostini/ Getty Images

John Keats, J. Severn

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