GALBRAITH JOHN KENNETH (1908-2006)
Économiste original, original tout court pour ne pas dire excentrique, tel fut John Kenneth Galbraith qui s'est éteint le 29 avril 2006. Il était né le 15 octobre 1908 à Iona Station, une petite ville de l'Ontario, au sud-ouest d'Ottawa (Canada). Après des études à Toronto, il part à Berkeley en Californie pour y effectuer un doctorat (Ph.D. aux États-Unis) portant sur l'agriculture. Il commence ensuite une carrière d'enseignant, d'écrivain et de polémiste, au cours de laquelle il fait montre à la fois d'une grande et constante conviction, d'une réelle rigueur intellectuelle et d'un profond sens de l'humour.
Un économiste critique
Professeur à Harvard de 1948 à 1971, il s'installe en Nouvelle-Angleterre où il cultive un style de vie très « Angleterre ancienne », affichant un certain détachement, tout en maintenant dans les rapports humains une permanente politesse. Jusqu'à la fin, il dénoncera ce qu'il considère comme les deux erreurs que ne doivent pas commettre dans leur vie les économistes : la première est de se laisser aller à ce qu'il appelle le syndrome de Belmont, du nom de la banlieue de Boston où résident la plupart des professeurs à Harvard. Le syndrome de Belmont consiste à vivre aux crochets du contribuable en pontifiant et en publiant des articles incompréhensibles dans des revues prestigieuses mais vaines. La seconde erreur est d'accepter l'action politique en le faisant de façon convenue, avec comme seul objectif de flatter les puissants. Galbraith prend comme exemple de cette attitude celle des conseillers économiques qui ont encensé Alan Greenspan, président de la Fed pendant près de vingt ans, sans jamais oser dire que sa politique monétaire était dangereuse.
Il connaît une certaine notoriété après la publication en 1958 de son livre The Affluent Society (L'Ère de l'opulence). En 1967, la parution de New Industrial State (Le Nouvel État industriel) achève de faire sa réputation d'économiste hétérodoxe. Ses thèses se rattachent de fait à un double héritage : celui de John Maynard Keynes, qui a construit ses travaux dans une opposition farouche à l'économie libérale classique, et celui des institutionnalistes dont la figure emblématique est l'Américain Thorstein Veblen, un économiste mâtiné de sociologue qui s'est fait l'analyste incisif des classes dirigeantes. Galbraith prolonge leurs idées par une critique sans concession de la théorie économique dominante, la théorie néo-classique. Celle-ci repose sur l'étude de la concurrence sur un marché libre qui permet de parvenir à un équilibre à la fois juste et durable. Si Galbraith en reconnaît les mérites intellectuels et une certaine force due à son impeccable formalisme mathématique, il n'a de cesse d'en souligner les limites.
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Écrit par
- Jean-Marc DANIEL : professeur émérite de sciences économiques, ESCP Europe
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