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LAW JOHN (1671-1729)

La personnalité de Law mériterait de retenir l'attention, car il a – reprenant les idées émises par l'économiste Charles Davenant et par Vauban sur le développement de la richesse – démontré l'importance du crédit en répandant en France le papier-monnaie et en fondant une banque d'État. L'échec de son système a compromis l'avenir financier de la France qui prit un énorme retard par rapport à l'Angleterre. En 1806 encore, Napoléon pensait ruiner son adversaire anglais par le blocus continental. Mais il avait négligé le crédit, qui permit à l'économie britannique de survivre aux guerres de la Révolution et de l'Empire. Law a donc été l'un des grands précurseurs, malgré ses limites, de la finance moderne.

La situation financière à l'arrivée de Law aux affaires

À la mort de Louis XIV, la situation financière de la France paraît désespérée ; la dette publique s'élève, en capital, à 1 milliard 200 millions de livres, et le déficit annuel se monte à 77 millions – déficit supérieur, toutes proportions gardées, à celui qui, soixante-quatorze ans plus tard, devait contraindre Louis XVI à convoquer les états généraux. Par le jeu des « anticipations », les revenus du Trésor pour 1716-1717 ont été consommés à l'avance. Les 600 millions de billets d'État ont perdu de 80 à 90 p. 100 de leur valeur nominale et le crédit public est ruiné.

Le régent Philippe d' Orléans, confronté à pareille conjoncture, songea à convoquer les états généraux ; il en fut dissuadé par Saint-Simon qui lui représenta les dangers qui pouvaient découler « de l'esprit zélateur des assemblées ». L'idée de la banqueroute – partielle ou totale – fut aussi évoquée au Conseil des finances ; celui-ci, dirigé par le duc de Noailles, avait pris en main la direction des affaires laissée vacante par l'éviction de Desmarets, le dernier contrôleur général de Louis XIV. C'est à une banqueroute partielle et déguisée que s'arrêta le Conseil : en octobre et décembre 1715 furent publiés des édits qui abaissaient à 4 % l'intérêt des rentes sur les tailles, les recettes générales, les postes et les contrôles (enregistrement), et comprimaient des trois quarts les rentes viagères émises au cours des années antérieures ; un édit de janvier 1716 réduisit les revenus des acquéreurs de charges, faisant tomber à 4 % de la finance souscrite les gages des officiers entrés en charge depuis 1689 ; les opérations du « visa », commencées en avril 1716, aboutirent à un échenillage des billets d'État, dont une partie seulement fut validée et reconvertie en valeurs portant uniformément intérêt à 4 % ; une « mue de monnaie », décidée par édit (déc. 1715), réforma les louis d'or frappés en 1709, qui furent portés à 20 livres ; une Chambre ardente, réunie en mars 1716, fut chargée de faire rendre gorge aux « traitants » suspects d'avoir rançonné l'État.

Toutes ces mesures entraient dans le champ des procédés traditionnels employés par la monarchie en temps de crise financière. Elles satisfaisaient une opinion volontiers malveillante envers les financiers ou les rentiers. Noailles, en outre, esquissa quelques réformes tendant à imposer plus de régularité à la gestion des deniers publics, et tenta de réaliser des économies. Le seul remède efficace à la détresse persistante du Trésor eut été la réforme de l'impôt : la transformation de la taille personnelle arbitraire en taille « proportionnelle », assise en fonction de revenus évalués ou déclarés, fut amorcée, mais s'enlisa devant l'hostilité des notables. Aussi, l'effort du Conseil des finances se présentait-il comme un combat d'arrière-garde, et la perspective d'une banqueroute totale, « à chaud », se précisait-elle à court terme, lorsque Law parut.[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Clermont-Ferrand

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