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COETZEE JOHN MAXWELL (1940- )

J. M. Coetzee - crédits : Fairfax Media/ Getty Images

J. M. Coetzee

Né à Cape Town en 1940, John Maxwell Coetzee a pour ancêtres des colons hollandais venus s'installer en Afrique du Sud à la fin du xviie siècle (allusion y est faite dans Dusklands, 1974). Ses études le mènent aux États-Unis, où il enseigne la littérature anglaise, après avoir consacré sa thèse à Samuel Beckett. De retour au pays, il professe à l'université de Cape Town, de 1984 à 2002, date à laquelle il s'installe en Australie, où il conserve une charge d'enseignement à l'université d'Adélaide. J. M. Coetzee se plaît à revendiquer pour son œuvre une dimension universelle, confirmée par sa large audience internationale : contrairement à Nadine Gordimer, dont l'œuvre s'inscrit directement dans la réalité historique, cet écrivain volontiers expérimental et farouchement « anti-illusionniste » s’efforce de traiter de toute situation historique de type colonial ou néo-colonial, par le biais de l'allégorie. L'impossible relation entre maîtres blancs et serviteurs noirs fait le sujet d’In the Heart of the Country (1977, Au cœur de ce pays). Waiting for the Barbarians (1980, En attendant les barbares) échappe à toute détermination géographique ou historique précise. À travers la crise de conscience d'un magistrat libéral qui tombe amoureux d'une de ses prisonnières, on comprend que ces « barbares » tant redoutés procèdent de la peur fantasmatique de l'Autre affectant tous les impérialismes. Le roman traite des dangers du désir d'interprétation, quand il conduit à arracher la vérité par la torture (allusion à la mort du militant de l'A.N.C., Steve Biko). Premier roman à se situer explicitement dans l'Afrique du Sud contemporaine, Life and Times of Michael K (1983, Michael K, sa vie, son temps) campe un personnage de jardinier, vraisemblablement un homme de couleur, vivant dans un désert qu'il s'occupe de faire reverdir, quand il est arrêté par la police. Son bec de lièvre fait de lui une victime désignée de l'oppression pour ceux du « château » (clin d'œil à Kafka), mais il demeure attaché à ses rêves de fertilisation future. Dans Foe(1986) on reconnaît les personnages de Daniel Defoe, Robinson Crusoe et son esclave Friday (dont la langue a été arrachée, en une claire allusion à la violence des colonisateurs). Une femme à la recherche de sa fille, Susan Barton, débarque sur l'île. De retour en Angleterre, avec Friday dans ses bagages, elle ne parvient pas à convaincre Mr. Foe d'entreprendre la rédaction de ses aventures, récit qu'elle finira par écrire elle-même. Toutes sortes d'échos littéraires alourdissent cette allégorie de la création entendue comme réécriture des grands textes canoniques. Age of Iron (1990) fait retour à l'Afrique du Sud, déchirée par un apartheid qui vit ses derniers jours. Coetzee obtient le prestigieux Booker Prize pour la deuxième fois de sa carrière, avec Disgrace (1999, Disgrâce), roman sans illusion sur une société pourtant libérée de l'apartheid, mais livrée à une brutalité plus tyrannique encore. Chassé de l'Université pour harcèlement sexuel, David Lurie trouve refuge chez sa fille à la campagne, avant de subir les violences infligées par leurs voisins noirs. Il lui faudra renoncer à la littérature, à la musique, au langage, pour retrouver une dignité minimale, au contact des chiens qu'il euthanasie. Dans son discours de réception du prix Nobel de littérature, obtenu en 2003, J. M. Coetzee développe une allégorie qui lui est chère, celle de l'écrivain en Robinson Crusoe, victime des cannibales qui le plagient et écartelé entre l'auteur et son double. Écrivain secret, Coetzee n'en a pas moins livré des récits autobiographiques, Scènes de la vie d'un jeune garçon (1999), Vers l'âge d'homme [...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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J. M. Coetzee - crédits : Fairfax Media/ Getty Images

J. M. Coetzee

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