KEYNES JOHN MAYNARD (1883-1946)
La théorie générale
L'intégration totale se réalise dans La Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (The General Theory of Employment, Interest and Money, 1936), fruit d'une collaboration intellectuelle de Keynes et d'un certain nombre de ses condisciples (Piero Sraffa, Richard Kahn, Joan Robinson, James Meade). La Théorie générale constitue une véritable révolution méthodologique, la macroanalyse qui fournit les catégories de base à la comptabilité nationale et donne une impulsion à l'élaboration de modèles mathématiques se substituant à l'approche individualiste traditionnelle. Elle constitue également une rupture théorique avec l'analyse classique selon laquelle l'insuffisante flexibilité des salaires empêcherait les mécanismes autorégulateurs du marché de fonctionner et de réaliser le plein-emploi. Pour Keynes, le sous-emploi ne relève pas des dysfonctionnements du marché du travail mais d'une insuffisance de la demande. En d'autres termes, au « chômage volontaire » des classiques lié à des exigences salariales trop élevées se substitue le « chômage involontaire » de Keynes lié à des dysfonctionnements du système d'économie de marché, ce qui impliquera, au plan politique, une relance par l'intervention de l'État.
Dans cet ouvrage se conjuguent raisonnement abstrait, observations factuelles, images audacieuses (comme la comparaison au chapitre 12 des opérations de placement et du mimétisme financier qui les guide à un concours de beauté ou encore, dans le dernier chapitre, la suggestion, pour sauver le capitalisme, à côté d'une socialisation de l'investissement, d'une euthanasie des rentiers) et polémiques (comme la critique de la conception du chômage de Pigou au chapitre 19). Dans ce livre qui constitue une réponse à la dépression des années 1930, d'où son impact et les nombreux commentaires dans les dix ans qui suivront sa publication, Keynes considère que le revenu national, c'est-à-dire le volume de la production globale, est lié au volume de l'emploi. La production dépend de la demande effective ou demande appuyée d'un pouvoir d'achat disponible et anticipée par les entrepreneurs. Cette demande effective se décompose en consommation et investissement : le niveau de la première est lié au revenu par l'intermédiaire de la propension à consommer ; quant au montant du second, il dépend d'une comparaison à laquelle se livrent les entrepreneurs entre le rendement escompté qu'ils en attendent et le taux d'intérêt. Selon Keynes, ce dernier représente le coût des emprunts, lui-même fonction de l'offre de monnaie par la banque centrale et de la demande de monnaie des particuliers dont la préférence pour la liquidité dépend de trois motifs (transaction, précaution, spéculation).
La notoriété que Keynes acquiert lui vaut d'être conseiller financier de la Couronne, gouverneur de la Banque d'Angleterre, ce qui le conduit, dans Comment payer la guerre (How to Pay for the War, 1940), à proposer des solutions neuves aux problèmes financiers internes qui devaient résulter de la guerre. Keynes dirige, lors de la conférence de Bretton Woods, la délégation britannique qui négocie les accords de prêt-bail, puis participe en 1944 à la constitution de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. On lui doit, par ailleurs, un Traité des probabilités (A Treatise on Probability, 1921), dont Bertrand Russell pourra dire qu'il était « au-dessus de tout éloge » et de remarquables portraits dans ses Essais de biographie (Essays in Biography, 1933) ; quant à sa propre œuvre, elle a suscité d'innombrables commentaires d'où se détachent cependant l'ouvrage de Roy Forbes Harrod, La Vie de John Maynard Keynes (The Life of John Maynard[...]
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Écrit par
- Guy CAIRE : professeur de sciences économiques à l'université de Paris-X-Nanterre
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