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POPE-HENNESSY JOHN (1913-1994)

En 1986, pour les soixante-quinze ans de sir John Pope-Hennessy, une grande exposition d'art siennois fut conjointement organisée par le Metropolitan Museum de New York et le Monte dei Paschi de Sienne. Les deux fragments de la célèbre Adoration des Mages de Sassetta (Stefano di Giovanni, vers 1400-1450), l'un à New York, l'autre demeuré à Sienne dans la collection Chigi-Saracini, étaient enfin réunis. Le catalogue remettait en cause quelques attributions établies, donnant par exemple au même Sassetta les deux petits paysages de la pinacothèque de Sienne, traditionnellement attribués à Ambrogio Lorenzetti : peut-être proviennent-ils du retable de l'Art de la laine, dont les panneaux de prédelle, rassemblés à cette occasion, se trouvent aujourd'hui à Sienne, au Vatican, à Budapest, au Bowes Museum de Durham et à Melbourne. C'était, pour le vieux maître, le “pape” des spécialistes de la Renaissance italienne, renouer avec ses amours de jeunesse et recevoir l'hommage de ses disciples, au premier rang desquels Keith Christiaensen, son successeur au poste de directeur du Département des peintures européennes du Metropolitan Museum de New York.

John Pope-Hennessy avait en effet vingt-trois ans quand son premier livre, consacré à un peintre siennois alors oublié, Giovanni di Paolo (1365/1399-1482 ?), contribua à réviser de fond en comble le jugement que l'on portait sur l'art de la fin du xve siècle. Pope-Hennessy, à peine sorti du Balliol College d'Oxford, était déjà depuis deux ans chargé de recherche à la National Gallery de Londres, alors dirigée par Kenneth Clarke. Grâce à ce dernier, il entra dans le cercle du plus romanesque des historiens d'art de l'avant-guerre, Bernard Berenson : Lituanien, fils d'un chaudronnier ambulant, juif de surcroît — ce qui dans les pays Baltes de la vieille Russie n'aidait guère à faire carrière —, Berenson, devenu la coqueluche du meilleur monde bostonien, recevait l'Europe intellectuelle dans sa villa de Settignano, I Tatti, une maison peuplée d'œuvres d'art, sur les hauteurs qui dominent Florence. Là, Berenson apprenait à toute une génération d'historiens l'alliance de l'érudition et du coup d'œil, la science du connoisseurship. L'attachement de Pope-Hennessy à la figure de Berenson ne devait pas faillir, même quand les collusions de celui-ci avec le monde du marché de l'art vinrent, dans les derniers temps, ternir son image patriarcale. Retiré lui aussi à Florence, Pope-Hennessy âgé, passant anonyme et élégant sur la place de la Santissima Annunziata, incarnait encore cette époque aujourd'hui révolue où les grands historiens de l'art auraient pu être les héros des romans de Henry James.

Rien de passéiste ou de désuet pourtant dans l'histoire de l'art telle que la pratiquait John Pope-Hennessy : son autre passion, avec l'école siennoise, a été la sculpture de la Renaissance. Conservateur au Département des sculptures du Victoria & Albert Museum de Londres, il en devint directeur en 1966. Sa synthèse en trois volumes (Introduction to Italian Sculpture, 1955-1963) s'imposait à tous. Cette année 1966 fut aussi celle des catastrophiques crues de l'Arno qui détruisirent à Florence nombre d'œuvres d'art. Pope-Hennessy créa alors une fondation, The Italian Art and Archives Rescue Fund, qui permit de sauver et de restaurer ce qui pouvait l'être. En 1974, il devient directeur du British Museum, avant d'accepter, trois ans plus tard, par le poste de directeur du Département des peintures européennes du Metropolitan Museum de New York. Il tint à poursuivre, en parallèle, une activité d'enseignement, à l'Institut d'art de l'université de New York, jusqu'en 1992.

Dans les dernières années, point culminant d'une abondante[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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