RAWLS JOHN (1921-2002)
Né le 21 février 1921 à Baltimore, John Rawls commence en 1939 des études de philosophie à l'université de Princeton que la guerre interrompt. Celle-ci, et en particulier, son expérience directe des conséquences du bombardement sur Hiroshima aura une profonde influence sur lui. En 1946, il retourne à Princeton pour travailler à son doctorat qu'il obtient en 1950 et qui est consacré à la question de la justification morale. Mais à partir de 1950, lors de son séjour à Oxford, puis à l'université Cornell, et enfin à Harvard où il fait toute sa carrière à partir de 1962, en compagnie de philosophes de premier plan comme Thomas Nagel, Robert Nozick, Michael Walzer ou Tim Scanlon, il modifie son orientation. Il se consacre dorénavant exclusivement à la question de la justice dans tous ses aspects, moraux, psychologiques même, politiques, économiques, juridiques et sociaux.
Théorie de la justice
Le défi normatif que relève Rawls avec son monumental ouvrage Théorie de la justice (1971), est de découvrir les principes de justice que devrait adopter toute société « juste » ou « bien ordonnée », la question institutionnelle venant ensuite. Dans cette quête, l'influence décisive va être celle de l'économie du bien-être ou économie normative (welfare economics), selon laquelle seule une redistribution « rationnelle », c'est-à-dire qui a pour conséquence d'augmenter le bien-être de tous, est moralement défendable ou juste.
Rawls va donc construire une théorie de la justice en réaction à cette idée, en évitant certains aspects inacceptables de l'utilitarisme, en particulier l'idée qu'il puisse être légitime de sacrifier ou de réduire les droits fondamentaux si, par là, on augmente le bien-être général. « Chaque personne, écrit-il, possède une inviolabilité fondée sur la justice que, même au nom du bien-être de l'ensemble de la société, l'on ne peut transgresser. » La priorité de la justice sur l'utilité sociale est la thèse fondamentale de sa doctrine qui se rapproche ainsi de la grande tradition du contrat social : Locke, Rousseau, Kant. Mais ce qui le différencie aussi bien du libéralisme de Locke que de la philosophie de Kant est son souci de faire une place à l'intérêt et à la rationalité économique dans la notion de justice. Et, comme l'utilitarisme, il cherche à justifier des principes premiers en dehors de toute référence métaphysique ou religieuse à un droit naturel ou à un ordre transcendant.
La réponse originale de Rawls à ces difficultés consiste à transformer la question de la justice en une question de choix rationnel dans des conditions d'incertitude et de risque. Ces conditions sont modélisées dans la célèbre « position originelle », équivalent du contrat social originaire, où nous nous trouverions chargés de choisir des principes de justice pour gouverner notre vie en commun, dans l'ignorance de notre situation particulière, et donc confrontés au risque d'occuper non pas n'importe quelle position dans la société, mais la position du plus défavorisé. Les meilleurs principes sont alors logiquement, selon Rawls, ceux qui protègent les droits fondamentaux de tous de manière égale (premier principe de justice) et qui n'autorisent des inégalités économiques et sociales que si elles bénéficient aux plus désavantagés (second principe, dit « principe de différence »). C'est au double nom de l'équité et de la rationalité que la situation des plus désavantagés doit être la pierre de touche de la justice dans une société démocratique.
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Écrit par
- Catherine AUDARD
: ancienne élève de l'École nationale supérieure de la rue d'Ulm, agrégée de philosophie,
visiting fellow , Department of Philosophy, London school of economics, Royaume-Uni
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