SKELTON JOHN (1460 env.-1529)
Poète anglais, longtemps négligé, John Skelton refait surface grâce à l'admiration que lui ont vouée quelques poètes modernes, dont W. H. Auden, qui lui a consacré un essai en 1935 (The Great Tudors), et Robert Graves. Vers 1485, il avait déjà traduit La Bibliothèque historique de Diodore de Sicile, d'après une transposition en latin. En 1489, il fut créé poète-lauréat des universités d'Oxford et de Louvain, tant sa réputation était internationale. Cambridge lui décerna le même honneur en 1493. Il fut appelé à la Cour comme précepteur du futur Henry VIII. Il entra dans les ordres en 1498, ayant déjà écrit sous une forme allégorique une savoureuse satire sur la vie à la Cour : The Bouge of Court. Peu après, il reçut le rectorat de Diss, dans le Norfolk, où il exerça son ministère — sans cesser d'écrire des poèmes — d'une façon assez particulière. Ses voisins l'accusaient de garder une belle fille dans sa maison. Sur l'ordre de l'évêque, il la fit sortir par la porte, mais rentrer aussitôt par la fenêtre. Ce pasteur quelque peu rabelaisien fut rappelé à la Cour, où il devint Orator regius, orateur du roi. Fier de cet office, il se voulut une espèce de mentor bouffonnant : ses frasques verbales plaisaient au roi, mais il alla trop loin.
Il écrivit un interlude, sa seule pièce de théâtre, Magnificence (1516), pour mettre le roi en garde contre les mauvais conseillers. C'était le moment où Wolsey allait devenir chancelier. Prudemment, Skelton prit sanctuaire à Westminster, où il écrivit Colin Clout (1618), violente satire, dans la bouche d'un vagabond encoléré, contre la décadence de l'Église, l'ignorance des prêtres, les fautes du haut clergé, satire qui ne pouvait qu'irriter le cardinal. Skelton récidiva avec véhémence et drôlerie dans Speak, Parrot ! (1521) et dans Why Come Ye not to Court ! (1523), attaque encore plus scandaleuse et plus directe contre Wolsey. Le cardinal, excédé, le fit jeter en prison. On raconte que Skelton, ayant en vain demandé son pardon, lui dit un jour : « Je supplie Votre Grâce de me laisser me coucher à ses pieds, car mes genoux me font mal. » Wolsey ne put que pardonner ! Skelton, après cette réconciliation, dédia à Wolsey The Garland of Laurel (1523), série de poèmes en rimes royales (stance de sept vers rimés ababbcc, venant de Chaucer) écrits à sa propre gloire, sous la forme allégorique qu'il affectionnait.
Les poèmes de Skelton se lisent aujourd'hui non pas tant à cause de leur contenu anecdotique — encore qu'ils fourmillent d'indications sur les mœurs du temps et de portraits savoureux —, mais à cause de sa faconde prodigieuse, de son pouvoir satirique, de son lyrisme si personnel. Son vocabulaire est très riche et pittoresque, les mots crépitent dans ses vers courts à trois accents galopant tout d'une coulée jusqu'au bout d'une longue strophe, si bien qu'il a attaché son nom à cette forme poétique, les skeltonics : And if ye stand in doubt / Who brought this rime about / My name is Colin Clout / I purpose to shake out / All my cunning bag. (Si vous me demandez / Qui a écrit ces vers / Mon nom est Colin Clout / Je vais vider mon sac / Tout plein de malices.)
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Écrit par
- Henri FLUCHÈRE : doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence
Classification
Autres références
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ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature
- Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ , Jacques DARRAS , Jean GATTÉGNO , Vanessa GUIGNERY , Christine JORDIS , Ann LECERCLE et Mario PRAZ
- 28 170 mots
- 30 médias
...Testament of Cresseid). De toute la littérature assez grise (drab) entre Chaucer et Spenser, la seule figure de quelque relief est le pseudo-humaniste John Skelton (1460 env.-1529), auteur non seulement de piquantes satires contre la cour – La Bouche de cour (The Bowge of Court, 1509) – et le clergé...