Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

STEINBECK JOHN (1902-1968)

Les premières œuvres : réalisme et fantaisie

Inscrit à l'université de Stanford où il étudie la biologie, le jeune Steinbeck supporte mal la vie universitaire. Il tâte alors un peu de tous les métiers ; il est ouvrier agricole, matelot, puis travaille sur le chantier du Madison Square Garden à New York. Il devient un moment journaliste, mais sans succès. Congédié, il retourne en Californie où il trouve un poste de gardien dans les montagnes près du lac Tahoe. C'est là qu'il écrit son premier roman, Coupe d'or (Cup of Gold, 1929), récit d'aventures mettant en scène un boucanier gallois du xviie siècle, à la recherche à la fois de la femme idéale et du trésor de Panama. En 1930, il se marie et s'installe à Pacific Grove où il rencontre un biologiste, Edward Ricketts, qui aura une très grande influence sur sa pensée et deviendra dans son œuvre le prototype de l'homme de science ouvert à la vie. En 1932 paraissent Les Pâturages du ciel (The Pastures of Heaven) et en 1933 Au Dieu inconnu (To a God Unknown), hymne panthéiste à la vie dont l'épigraphe est un extrait du Rigveda.

C'est seulement avec Tortilla Flat (1935) que Steinbeck connaît une certaine renommée. On y trouve une fantaisie faite d'humour et de mélancolie qui en assurent le succès. Le roman décrit à Monterey, petit port de pêche californien, la vie de Danny et de ses « copains », des « paisanos » nés d'un « assortiment de sang espagnol, indien, mexicain et caucasien ». Gais, insouciants, totalement réfractaires à tout travail, aimant avant tout les femmes, le vin et la ripaille, ils vivent en marge de la société et deviennent, dans l'imagerie steinbeckienne, de modernes chevaliers de la Table ronde dont les aventures rocambolesques ont pour but de distraire et de faire rêver, sans trop y croire, d'un monde où tout serait plus simple.

Dans la veine de ces premiers romans, on voit se dégager les éléments de l'inspiration de Steinbeck, le réalisme des êtres simples croqués sur le vif, mais aussi la fantaisie qui sait dégager chez eux une manière de prendre la vie qui fait que l'échec n'est jamais complet puisqu'il est racheté par le rêve.

Dans Des souris et des hommes (Of Mice and Men, 1937), l'inspiration s'élargit. C'est la peinture du monde des journaliers agricoles de l'Ouest, et on sent passer comme un lointain écho de la conception marxiste de la lutte des classes dans la structure dialectique du livre partagé entre les deux personnages principaux comme entre le monde des propriétaires et celui des ouvriers itinérants. Là aussi, le réalisme social et économique est métamorphosé par l'allégorie. Dans ce roman, il s'agit avant tout de l'innocence impossible, et on n'est pas sans remarquer ici des résurgences puritaines. Dans la condamnation de l'innocence de Lennie tenté par la femme, on reconnaît un thème biblique ; mais, dans le portrait de ce retardé mental qui ne peut aimer sans détruire, c'est l'innocence de la nature elle-même qui est mise en cause. On voit ainsi s'introduire un doute dans l'optimisme naturel de Steinbeck, qui réapparaîtra dans À l'est d'Éden.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de littérature américaine à l'université de Rennes-II

Classification

Média

John Steinbeck - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

John Steinbeck

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par , , , , , , et
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    ...politique se liguent pour exploiter le fermier, les hommes de lettres se révèlent passionnément agrariens. Frank Norris commence une épopée du blé et John Steinbeck vendange sur les vignes américaines les « raisins de la colère » (The Grapes of Wrath, 1939). Même le fermier embourgeoisé et presque...
  • LES RAISINS DE LA COLÈRE, John Steinbeck - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 924 mots
    • 2 médias

    Le titre du neuvième roman de John Steinbeck (1902-1968), publié en 1939, renvoie à The Battle Hymn of the Republic, hymne antiesclavagiste composé en 1862 par la poétesse américaine Julia Ward Howe, et aussi au livre biblique, le Deutéronome. Son déroulement prend l'allure d'une tragédie nationale...