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MILL JOHN STUART (1806-1873)

John Stuart Mill - crédits : London Stereoscopic Company/ Hulton Archive/ Getty Images

John Stuart Mill

Au milieu du xixe siècle, Mill, philosophe et économiste anglais, représente à la fois le couronnement de la pensée libérale et l'attirance vers le socialisme utopique de l'époque ; sa philosophie emprunte à l'empirisme de Hume, à l'utilitarisme de Bentham, à l'associationnisme de son père James Mill, à Saint-Simon, à Comte. En même temps, Mill souligne la portée limitée de leurs théories, car il pressent que la réalité est trop complexe pour être enfermée en une explication unique. « Il incarne en une grandiose synthèse, sous tous ses aspects et dans toute son ampleur, la conception atomistique de l'homme et du monde » (D. Villey).

Partisan convaincu de la démocratie parlementaire, il craint qu'en pratique le conformisme de la masse ne devienne despotisme et n'écrase les individus. À son sentiment philanthropique vis-à-vis de l'humanité, on peut opposer ses vues pessimistes de la nature humaine, grossière et brutale. Son socialisme apparaît réservé à l'avenir, à une élite d'hommes supérieurs, lorsque « l'ignorance et la brutalité des masses » auront disparu. Comme pour l'utilité, le bonheur qu'il propose comme fin suprême de l'activité de l'homme n'a rien de bas, de sensuel, mais c'est un bonheur de qualité que l'homme doit rechercher.

Une vie déchirée

Né à Londres, John Stuart Mill fut l'aîné de neuf enfants d'un ami et disciple de Bentham et de Ricardo. Désirant montrer que, suivant Helvetius, l'éducation est toute-puissante dans la formation de l'individu, James Mill en fit l'expérience sur John Stuart. Il réussit sans doute à en faire un enfant prodige, mais à quel prix ! S'astreignant à tout lui apprendre lui-même, il lui imposa une discipline de fer dans la vie et la pensée. À trois ans, John Stuart commence l'étude du grec ; à huit ans, il a lu Hérodote, Xénophon et Platon en partie ; il apprend le latin, est chargé de l'enseigner à ses frères. Pas de récréations, pas de jouets ; son père l'emmène dans ses promenades, et il doit alors lui résumer ses lectures de la veille, puis il l'écoute disserter sur la société et l'économie. Quant aux soirées, elles sont réservées à l'arithmétique. À douze ans, il étudie Aristote, la logique de Hobbes. À treize ans, il lit les Principes de Ricardo.

Cette éducation rigide, toujours tendue, sans affection, sans amusements, le modela et le déforma profondément. Il en restera marqué pour la vie, certes enrichi intellectuellement, mais vieilli avant l'âge, ayant « une avance d'un quart de siècle sur ses contemporains », esprit purement livresque, resté enfantin à certains égards.

À quatorze ans, il est envoyé en France pour un an, passe à Paris, où il est reçu par J.-B. Say, et s'installe dans le Midi. Il respire enfin ; ce fut pour lui la révélation de « l'atmosphère libre et douce de la vie que l'on mène sur le continent ».

À son retour, après avoir lu le Traité de législation de P.-L. Dumont exposant les vues de Bentham, il se déclare disciple de ce dernier. Il fonde l' Utilitarian Society en 1822 et commence à écrire des articles sur le radicalisme philosophique. Il entre en 1823 à la Compagnie des Indes sous les ordres de son père ; il va y faire toute sa carrière : en 1856, il en deviendra le chef contrôleur et se retirera à sa dissolution en 1858.

Cependant, l'influence dominante de son père commence à lui peser, et des doutes surgissent dans son esprit sur les idées de Bentham. En 1826, ses réflexions et les discussions à la Speculative Debating Society aboutissent à une crise de dépression. Il rejette le modèle utilitaire simple et s'éloigne de la doctrine de son père.

Mais s'il s'émancipe d'un côté, c'est pour tomber sous l'emprise de Mme Taylor, dont[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Lyon

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John Stuart Mill - crédits : London Stereoscopic Company/ Hulton Archive/ Getty Images

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