WYCLIFF JOHN (1330-1384)
Théologien anglais dont les écrits, plusieurs fois condamnés par l'Église, ont inspiré la pensée des hérétiques lollards et hussites, longtemps considéré comme un précurseur de la réforme luthérienne, Wycliff est aussi l'héritier de très anciens courants spirituels antipontificaux, voire anticléricaux (fraticelles, joachimites), et de la pensée gibeline (Marsile de Padoue), renforcés par les circonstances. En effet, au début de la guerre de Cent Ans, la papauté installée à Avignon depuis 1309 est suspecte en Angleterre de partialité profrançaise ; le Grand Schisme d'Occident (1378) porte un coup très grave à l'autorité du siège apostolique. On s'explique ainsi le succès des doctrines de Wycliff qui mettent en cause l'autorité de toute la hiérarchie ecclésiastique.
Formation et doctrine
John Wycliff naît vers 1330 dans une famille de la petite noblesse du Yorkshire. À la mort de son père, il devient seigneur de son pays ; quoiqu'il ait toujours gardé des liens étroits avec ces régions du nord de l'Angleterre, il est avant tout, et jusqu'à la fin de sa vie, un homme d'Oxford, étudiant d'abord, professeur ensuite. Élève du collège de Balliol, il y acquiert la maîtrise en 1358 et la maîtrise ès arts en 1361. Avant d'entreprendre ses études de théologie, il a donc reçu l'excellente formation scientifique qui fait la réputation d'Oxford. L'étude des mathématiques et de l'optique nourrit la solide pensée scientifique qui marquera sa réflexion théologique novatrice. Ce brillant oxonien reçoit des bénéfices : la cure de Fillingham en 1361 et, en 1362, la cure d'Aust près de Bristol. On lui confie des responsabilités politiques : en 1370, il entre au service de la Couronne, se lie avec Jean de Gand, est envoyé en ambassade à Bruges auprès du pape Grégoire XI. Il apparaît bientôt comme l'un des chefs du courant politique hostile à la France, à la papauté et aux membres du haut clergé.
Parallèlement, Wycliff s'engage dans une réflexion théologique de grande envergure et tend à faire figure avant tout de théologien, philosophe scolastique et réformateur religieux. C'est également à Oxford qu'il doit sa formation théologique : il acquiert son titre de docteur en 1372. Le débat entre nominalisme et réalisme reste encore très vif. Wycliff prend parti pour ce dernier et milite en faveur d'un retour à l'augustinisme et à la Bible. Il reprend les tentatives néo-platoniciennes de synthèse entre la philosophie et la théologie dans un traité de 1370 : De benedictaincarnatione. À partir de 1374, il entreprend la rédaction d'une véritable somme théologique par fascicules : De dominio divino (1375), De civilidominio(1376), De officioregis(1378), De potestatepapae(1379), pour citer les principaux. Ses idées fondamentales apparaissent déjà : Dieu exerce directement, sans l'intermédiaire du pape, son droit éminent sur les biens terrestres ; les rois ont donc des comptes à rendre non au pape, mais à Dieu seul. Ainsi, il y a d'abord, chez Wycliff, une théorie du pouvoir civil voisine de celle d'un Marsile de Padoue. Mais on voit également se faire jour une théorie de la réforme de l'Église, suivant laquelle la possession de toute autorité ecclésiastique est liée à l'état de grâce et annulée par le péché mortel.
Rien de plus éloigné d'un système philosophique que la doctrine de Wycliff. Ses théories manquent souvent de netteté, mais quelques principes de base sont vigoureusement maintenus : les principes de la philosophie réaliste affirmés et soutenus jusqu'à l'intransigeance, voire l'outrance, et, d'autre part, l'autorité exclusive de la Bible, proclamée en 1378 dans le De veritateScripturae. On peut résumer en trois points principaux les vues réformatrices[...]
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Écrit par
- Michel ARNAUD : maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris
Classification
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