GRIFFIN JOHNNY (1928-2008)
Son surnom – Little Giant : « petit géant » – définit parfaitement la place qu'occupe le jazzman américain Johnny Griffin dans la hiérarchie des maîtres du saxophone ténor. Sans pouvoir véritablement accéder à la plus haute marche – où règnent ensemble Lester Young, Coleman Hawkins, John Coltrane et Sonny Rollins –, son incontestable stature musicale lui permet de s'imposer sans peine, bien près du sommet, dans l'élite des spécialistes de l'instrument.
John Arnold Griffin, III naît à Chicago le 24 avril 1928, d'une mère chanteuse et d'un père cornettiste. Encore enfant, il aborde le piano et la guitare hawaïenne. Pendant sa scolarité à la prestigieuse DuSable High School de sa ville natale, il s'initie au hautbois, au cor anglais, à la famille des clarinettes – avec Walter Dyatt – puis au saxophone alto. Mais, à peine son diplôme en poche, c'est avec le saxophone ténor qu'il commence, à dix-sept ans, une précoce carrière professionnelle en participant aux tournées de l'orchestre de Lionel Hampton (juillet 1945-juin 1947). Il s'installe ensuite sur la côte est, où il joue, de 1947 à 1950, au sein de l'orchestre du trompettiste Joe Morris. Là, il côtoie notamment Philly Joe Jones et Percy Heath. Son service militaire – effectué dans un orchestre de l'armée à Hawaii (1951-1953) – l'écarte provisoirement du devant de la scène. Après sa démobilisation, il devra attendre quelques années avant de décrocher des engagements importants.
La consécration arrive en 1957 : de mars à octobre, Johnny Griffin fait partie des Jazz Messengers d'Art Blakey (Art Blakey's Jazz Messengers, 1957) ; pendant quatre mois de 1958, il est membre du quartette de Thelonious Monk (Blues Five Spot, 1958 ; Thelonious in Action, 1958). On peut l'entendre dans l'enregistrement unique qui réunit, pour le label Atlantic, Thelonious Monk et les Jazz Messengers (Art Blakey's Jazz Messengers with Thelonious Monk, 1957). Parmi les nombreux disques qui lui permettent de fréquenter Donald Byrd, Wes Montgomery (Full House, 1962), Pepper Adams, Chet Baker (Chet Baker in New York, 1958), Kenny Drew, Al Haig et Wilbur Ware (The Chicago Sound, 1957), il faut distinguer l'album Blowin' Sessions enregistré en 1957 pour Blue Note, où il se joint à John Coltrane, Lee Morgan, Hank Mobley, Wynton Kelly, Paul Chambers et Art Blakey. Plutôt friand de petites formations, Griffin se retrouve néanmoins à la tête d'un grand orchestre, le Big Soul Band, avec lequel il enregistre en 1960 un bel album pour Riverside, The Big Soul Band. De 1960 à 1962, il anime avec un autre saxophone ténor, Eddie « Lockjaw » Davis, un quintette qui sera le théâtre d'énergiques assauts de virtuosité, avec notamment, comme sidemen, Junior Mance, Ben Riley, Art Taylor et Buddy Catlett. Parmi leurs albums, citons Tough Tenors (1960), The Tenor Scene (1961), Blues Up and Down (1961).
Habitué depuis plusieurs années des clubs de jazz européens, Johnny Griffin trouve refuge à Paris en 1963, quand d'importants problèmes fiscaux et familiaux le contraignent à quitter les États-Unis. Il y retrouve toute une colonie américaine, et il va jouer avec Babs Gonzales, Bud Powell, Kenny Clarke, Kenny Drew, Art Taylor... De 1967 à 1969, il est le principal soliste du Clarke-Boland Big Band (All Smiles, 1968). Après avoir participé en avril 1973 à deux derniers enregistrements parisiens sous la houlette de Dizzy Gillespie, The Giant et The Source – avec Niels-Henning Ørsted Pedersen, Kenny Drew, Kenny Clarke et, aux tumbas, Humberto Canto –, il s'établit à Bergambacht, aux Pays-Bas. Il se partage entre l'Amérique et l'Europe, fêtant à l'occasion de joyeuses retrouvailles avec d'anciens compagnons (Eddie « Lockjaw » Davis, Arnett Cobb). Ne reniant pas un goût immodéré pour les batailles de ténors, il[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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