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MEKAS JONAS (1922-2019)

Jonas Mekas - crédits : Wei Gao, 2018

Jonas Mekas

Jonas Mekas est un cinéaste expérimental et documentaire américain d’origine lituanienne. De par ses activités protéiformes (réalisation, critique, distribution de films, organisation de structures de diffusion indépendantes), il fut à la fois la conscience, le fédérateur et le chroniqueur du cinéma d’avant-garde américain. Il a parachevé le travail de Maya Deren en fondant en 1962 la Film-Makers’ Cooperative, qui a joué un rôle capital dans la constitution du mouvement underground américain ; il a créé, en 1955, avec son frère Adolfas, la revue Film Culture ; et il est devenu responsable de la rubrique « Movie Journal » dans The Village Voice (1958-1976). Il a légitimé le journal filmé (film-journal) en tant que catégorie majeure du cinéma d’avant-garde et lui a trouvé un langage approprié (conçu à base de collages, ou cut-up visuels, mais débarrassé du symbolisme encore présent chez les filmmakers de l’époque), capable de témoigner de son aventure personnelle et de celle de ses compagnons de route. Jonas Mekas est mort à New York le 23 janvier 2019.

Les années de formation

Jonas Mekas est né le 24 décembre 1922 dans le village de Semeniskiai (Lituanie). Son activité de cinéaste et son statut de conscience de l’avant-garde américaine contemporaine sont inséparables de sa vie et de son itinéraire intellectuel. Journaliste et poète dès les années 1940, il est envoyé avec son frère dans un camp de travail près de Hambourg puis connaît, après la Seconde Guerre mondiale, les cantonnements de personnes déplacées, avant de débarquer à New York le 29 octobre 1949. Il achète rapidement une caméra Bolex 16 mm et commence à filmer la communauté d’émigrés lituaniens du quartier de Williamsburg (Brooklyn). Il se forge aussi une solide culture cinématographique. Après une tentative de montage de ce matériau en 1953 (projet repris et achevé en 2002 sous le titre Ar buvokaras? Was There a War?, commenté en lituanien), dans le but de montrer la dure condition de vie de ses compatriotes, il s’installe à Manhattan, suit les cours de Hans Richter, commence à rencontrer artistes, écrivains et cinéastes, et fonde la revue Film Culture, destinée à défendre un cinéma d’auteur.

Ce n‘est que tardivement, en 1976 et sous le titre LostLostLost que Mekas montera cette page de son journal qui concerne ses années d’apprentissage aux États-Unis (1949-1963 ; le film monté en 2002 s’arrête à 1952 et contient plus d’images sur l’époque). Les plans du début sont quasi documentaires et en noir et blanc. Petit à petit, lorsque l’on passe des images des émigrés aux portraits d’artistes, la couleur apparaît et le style de l’auteur se précise : sa manière de filmer est fluide et mobile, il croque une scène, une personnalité, en une mosaïque de visions brèves constituées de gros plans ou de plans éloignés, de recadrements, dans un montage haché. Amorces ou fins de bobines demeurent dans la version finale de ses films et font partie de la texture inimitable de l’œuvre. L’ensemble est toutefois organisé dans une optique proche de la narration : les films comportent des mini-chapitres et, souvent, la voix traînante du cinéaste commente les faits.

En 1953, Jonas Mekas commence à montrer des films. Il aide d’abord une amie, Dorothy Brown, à organiser des projections hebdomadaires dans son loft. Vers 1960, il découvre, fasciné, le travail de Stan Brakhage. Il fonde alors la Film-Makers’ Cooperative qui prend en dépôt et loue des films expérimentaux. Il poursuit en créant, en 1964, la Film-Makers’ Cinematheque (consacrée à la conservation des films indépendants) puis, en 1970, l’Anthology Film Archives qui adjoint aux films expérimentaux les grands classiques (Eisenstein, Cocteau, Vertov) pour montrer les parentés et les filiations qui existent entre eux, par opposition au cinéma hollywoodien. En 1964, il est arrêté pour[...]

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