MEKAS JONAS (1922-2019)
Portraits et autoportraits
Mekas réutilise ses matériaux argentiques (puis vidéographiques) pour brosser de lyriques portraits d’amis : Scenesfrom the Life of Andy Warhol (1990, un hommage à l’artiste et complice qui vient de mourir) ou ZefiroTorna or Scenesfrom the Life of George Maciunas (1992), son premier compagnon de route lituanien, devenu un grand artiste.
Birth of a Nation (1997) – conçu à partir d’un matériel allant de 1955 au milieu des années 1990 – est une œuvre militante à sa manière, toujours pointilliste, qui transforme les amis artistes de l’auteur en citoyens d’une nation autonome. Il y a Robert Frank, le cinéaste photographe, mais aussi Roberto Rossellini, Chantal Akerman, Marcel Hanoun pour qui Mekas a toujours éprouvé une profonde admiration, Allen Ginsberg…
Sans état d’âme, Jonas Mekas passe à la vidéo dans les années 1980 (Self-Portrait), mais ne maîtrise ce nouvel outil que dix ans plus tard. Cela affecte son style : les plans lyriques hachés dus au travail sur les photogrammes ne sont plus au rendez-vous. Le cinéaste travaille les longs plans-séquences dans Letters to Friends… FromNowhere… VideoLetter # 1 (1997), SleeplessNights Stories (2011), où le thème de la fratrie artistique demeure.
Durant toute l’année 2007, avec son 365 Day Project, Mekas réalise un court-métrage numérique par jour – toujours des portraits d’amis – qu’il diffuse sur son site web. À partir de l’année 2000, le cinéaste présente ses films et vidéos sous forme d’installations, tant au Centre Pompidou à Paris qu’à la Documenta de Cassel (Allemagne). En 2015, il expose son 365 Day Project à la Microscope Gallery de Brooklyn fondée par Elle Burchill avec qui il a travaillé jusqu’à sa mort.
Après avoir réalisé des installations – Destruction Quartet (2006) –, Mekas se penche de nouveau sur les plans qu’il a filmés en pellicule depuis soixante ans. Certaines images sont abîmées et risquent de disparaître. Répondant à une commande de la Serpentine Gallery de Londres, il réalise en 2012 son ultime film-journal : Out-Takesfrom the Life of a Happy Man. Ici, il ne se contente plus de témoigner, mais livre, en paroles et en gestes, doigts enserrant la table de montage, sa manière de travailler. Dans ce film testamentaire, tout réapparaît : les émigrés lituaniens, les artistes, ses enfants, le mélange des familles biologiques et de la famille adoptée des artistes, des amis, le travail de promotion du cinéma indépendant, la réflexion sur le grand âge.
La notoriété de Jonas Mekas est due au fait qu’on entre facilement dans ses films, ses journaux ou ses portraits d’amis. Le cinéaste y introduit en effet une narration très prenante par ses commentaires, souvent proches de l’événement (comme dans Reminiscences… monté quelques mois après le tournage), parfois très éloignés à l’instar de Lost, Lost, Lostou de Out-Takesfrom the Life of a Happy Man, qui introduisent la fascination de la mémoire en train de se chercher en assemblant les images en film.
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Écrit par
- Raphaël BASSAN : critique et historien de cinéma
Classification
Média
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