COE JONATHAN (1961- )
Jonathan Coe est né en 1961 à Birmingham. Au milieu des années 1980, il quitte Cambridge où il a suivi des études en littérature britannique pour entamer à l'université de Warwick une thèse de doctorat consacrée à Tom Jones de Henry Fielding. Simultanément, il rédige son premier roman, un Bildungsroman (roman d'éducation) plutôt conventionnel à propos d'un étudiant à Cambridge. La rencontre fortuite avec l'œuvre insolite et innovante de B .S. Johnson, écrivain britannique expérimental des années 1960-1970, représente pour lui un tel choc esthétique qu'il abandonne le roman qu'il est en train d'écrire pour en commencer un autre, La Femme de hasard (1987), dont les stratégies de mise à nu des procédés de la narration et les interventions intempestives du narrateur empruntent beaucoup aux techniques de B. S. Johnson mais aussi à certains ouvrages du xviiie siècle (Laurence Sterne, Henry Fielding). Deux autres romans de forme innovante suivront, Une touche d'amour (1989) et Les Nains de la mort (1990). Mais c'est surtout Testament à l'anglaise (1994), lauréat du prix du meilleur livre étranger en France, qui révélera Coe au grand public et lancera sa carrière littéraire.
Une satire sociale et politique
Lors de sa publication, Testament à l'anglaise est unanimement salué par la critique et les lecteurs pour son entrelacement subtil de plusieurs trames narratives, ses allers et retours dans le temps, sa multiplicité de perspectives, de voix et de genres littéraires. Ce roman est aussi une impitoyable satire sociale et politique de la Grande-Bretagne « thatchérienne » marquée par les débordements divers : l'effondrement des règles éthiques, la dissolution du lien social, l'affolement des mœurs et la fracture de la cellule familiale. Le principe d'histoires enchâssées rappelle la construction de son deuxième roman, Une touche d'amour, et annonce les intrigues intimement mêlées de La Maison du sommeil (1997), lauréat du prix Médicis étranger en France. Dans Testament à l'anglaise et La Maison du sommeil, les frontières entre fiction et réalité, rêves et monde réel, sont si souvent brouillées que personnages et lecteurs s'interrogent sans cesse sur le statut des événements relatés.
La satire politique cinglante du « thatchérisme » dans Testament à l'anglaise va trouver un écho dans le diptyque formé par Bienvenue au club (2001), portrait saisissant des années 1970 dans une ville de province britannique, et Le Cercle fermé (2004), qui dépeint l'amère désillusion consécutive à l'arrivée au pouvoir des « nouveaux travaillistes » de Tony Blair. Ces trois ouvrages remarquables ont pu conduire les critiques à cantonner Jonathan Coe dans la catégorie de la fiction satirique à visée sociale et politique, dans la lignée du réalisme social des années 1950 mais aussi de la tradition britannique du roman comique à la Jonathan Swift. Pourtant, ses ouvrages les plus récents sont dépourvus de cette veine politique et comique. La Pluie, avant qu'elle tombe (2007) est un roman intimiste et mélancolique autour de la notion de perte et de traumatisme : il retranscrit le monologue d'une femme qui, quelques jours avant de disparaître, retrace une cinquantaine d'années de sa vie à partir de la description de vingt photographies. La Vie très privée de Mr Sim (2010), roman picaresque du xxie siècle, s'intéresse à l'impact de la technologie moderne sur nos vies privées, frappées de solitude, par le biais d'un voyage en voiture incongru du personnage éponyme dans le Nord de l'Angleterre et l'Écosse. Quant au roman Expo 58 (2013), Jonathan Coe a écrit qu’il peut être lu à la fois « comme un roman traditionnel anglais, dans la veine d'Henry Fielding, Michael Frayn et Kingsley Amis ; comme un hommage aux films[...]
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Écrit par
- Vanessa GUIGNERY : habilitée à diriger des recherches en études anglophones, professeure des Universités à l'École normale supérieure de Lyon
Classification
Média
Autres références
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BIENVENUE AU CLUB (J. Coe) - Fiche de lecture
- Écrit par Marc PORÉE
- 972 mots
Roman après roman, Jonathan Coe tend à l'Angleterre un miroir, sans trop se soucier de la rigueur qui sied à l'historien, mais avec le désir de mettre en lumière « l'esprit du temps ». Après Testament à l'anglaise, consacré aux années 1980, Bienvenue au club (trad....