KOKKONEN JOONAS (1921-1996)
Après avoir pris conscience de son identité musicale grâce à Sibelius, la musique finlandaise a dû apprendre à se situer par rapport à cette personnalité de génie qui projetait une ombre difficile à contourner pour ses successeurs. La génération qui a suivi Sibelius n'a pas donné à la musique finlandaise de créateurs aussi puissants et originaux. Il a fallu attendre la suivante pour voir l'héritage totalement assimilé. Joonas Kokkonen fut l'un des compositeurs de cette génération qui ont su marier avec bonheur la spécificité de leurs racines avec les grandes tendances de l'écriture qui se manifestaient dans le reste de l'Europe.
Il naît à Iisalmi le 13 novembre 1921 et fait ses études musicales avec Selim Palmgren, Sulho Ranta et Ilmari Hannikainen à l'académie Sibelius d'Helsinki, où il obtient son diplôme en 1949. Simultanément, il poursuit des études de musicologie avec Ilmari Krohn à l'université d'Helsinki, jusqu'en 1948. Il entreprend une carrière de pianiste et donne le premier concert entièrement consacré à ses œuvres en 1953. À partir de 1950, il enseigne à l'académie Sibelius, où il devient professeur de composition (1959-1963) et président du département de composition (1965-1970). Il est également critique musical. En 1963, il est élu membre de l'Académie de Finlande ; entre 1965 et 1971, il est président de l'Union des compositeurs finlandais, entre 1968 et 1971, président de l'Union des compositeurs nordiques, avant de devenir président de la T.E.O.S.T.O., l'équivalent finlandais de la S.A.C.E.M. (1968-1988). En 1973, il reçoit le prix Sibelius, décerné par la fondation Wihuri. Il meurt à Järvenpää le 2 octobre 1996.
Si l'influence de Sibelius est perceptible dans ses premières œuvres, il pratique plutôt un langage proche de celui de Bartók : son Quintette avec piano (1951) en est l'un des exemples les plus typiques. Mais il abandonne bientôt les modalités diatoniques caractéristiques de la musique finlandaise pour se forger un style personnel, « au chromatisme curieusement sinueux et au contrepoint tortueux, librement dissonant » (Nicolas Slonimsky). La Musique pour cordes (1957) marque le début de cette période. Puis, comme la plupart des compositeurs de sa génération, Kokkonen se tourne vers le dodécaphonisme (Quatuor no 1, 1959) ; mais il prend ses distances assez rapidement pour se consacrer à une écriture fortement contrapuntique, où les influences de Bach et de Hindemith sont perceptibles. Dès sa Symphonie no 1 (1960), il réalise un habile mélange entre tonalité et dodécaphonisme, une vision personnelle du néoclassicisme. À partir de la Symphonie no 2 (1961), la construction occupe une place déterminante dans son processus créatif, au point de devenir l'élément de base qui détermine la matière musicale elle-même. Mais l'écriture se dépouille et se concentre dans un procédé à base de motifs (Missa a cappella, 1963 ; Esquisses symphoniques, 1968). Cette période de dépouillement strict est assez courte ; sans y renoncer fondamentalement, Kokkonen la tempère par une expression romantique dont les prémices se trouvent dans le Quatuor no 2 (1966), bien avant l'éclosion du courant postromantique en Europe occidentale et en Pologne. Le Concerto pour violoncelle (1969), que son compatriote Arto Noras a joué dans le monde entier, et la Symphonie no 4 (1971) s'inscrivent dans la même ligne avec une force dramatique qui trouve son épanouissement dans l'opéra Viimeiset Kiusaukset (« Les Dernières Tentations »), d'après la vie d'un évangéliste finlandais du xixe siècle, Paavo Ruotsalainen. Après l'avoir occupé pendant près de seize ans, cet ouvrage est créé à Helsinki le 2 septembre 1975 avec Martti Talvela dans le rôle principal. Le succès est considérable, et le monde[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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