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VONDEL JOOST VAN DEN (1587-1679)

Le dramaturge

À partir de 1637, date à laquelle la ville d'Amsterdam lui commande une pièce à sujet national pour l'inauguration d'un théâtre (Gijsbrecht van Aemstel), l'essentiel de sa production sera d'ordre dramatique. Sa conversion au catholicisme, qui s'annonce déjà dans cette œuvre mais qui n'a lieu qu'en 1641, fait de lui désormais le champion de la Contre-Réforme, dont il exaltera les idées dans de longs poèmes didactiques ou épiques et surtout dans une série impressionnante de drames, religieux pour la plupart. Rien d'étonnant à ce que ceux-ci lui donnent maintes fois maille à partir avec les calvinistes.

Son théâtre, initialement placé sous le signe de Sénèque et conforme en cela au goût de ses compatriotes, s'oriente peu à peu vers une conception plus sophocléenne, grâce aux conseils érudits de ses amis Vossius et Grotius, qui l'aident dans sa quête délibérée d'un art de plus en plus proche des sources grecques. Les premières pièces présentent encore, à la manière de l'épopée, une suite d'événements ou de stades différents dans la vie d'un héros ou d'un martyr : Gijsbrecht van Aemstel (1637), Les Vierges (Maeghden, 1639), Pierre et Paul (Peter en Pauwels, 1641), Maria Stuart (1646). Elles sont bientôt supplantées par des tragédies dont l'unité d'action se resserre sur un épisode exemplaire illustrant un thème universel : une trilogie consacrée au personnage de Joseph (1640) traite de la Providence et de la foi ; Jephté (Jeptha, 1659), pièce préférée de Vondel en raison de son respect absolu des règles classiques, pose la question du sacrifice ; Salomon (1648) et les trois chefs-d'œuvre Lucifer (1654), Adam en exil (Adam in Ballingschap, 1664) et Noé (Noah, 1667) ont pour sujets la dualité du bien et du mal, l'inquiétude foncière de la créature et sa révolte contre Dieu.

Bien qu'elles soient le fruit d'une période particulièrement pénible de sa vie, Vondel atteint dans ces trois œuvres le sommet de son art. Ses amis sont morts ; il est en butte aux attaques des pasteurs (qui font interdire toute représentation du Lucifer) ; le public se détourne ; son dernier fils provoque la ruine de son magasin, dilapide ses biens, et, forcé par l'intervention paternelle de s'expatrier aux Indes, meurt au cours du voyage. À soixante-dix ans, Vondel rembourse ses créanciers en travaillant dans une banque sans que ralentissent pour autant sa production littéraire et son activité de traducteur.

La spécificité du théâtre de Vondel réside moins dans sa tension dramatique – encore que les dernières pièces citées soient pleines de péripéties aux contrastes violents – que dans son caractère poétique, dans les envolées lyriques d'un chœur célébrant la toute-puissance divine ou la beauté de la nature, dans les descriptions vertigineuses du déluge, de la chute des anges ou de l'incendie d'une ville, ou encore dans la mise en scène de la danse nuptiale et cosmique d'Adam et Ève au jardin d'Éden.

Plus qu'à celui de son compatriote Rembrandt, c'est à l'art de Rubens qu'on a pu comparer l'écriture fulgurante et musclée et les larges compositions du « prince des poètes néerlandais », qui d'ailleurs ne cachait pas son admiration pour ce peintre. Bien qu'il fût le contemporain des derniers poètes de la Renaissance hollandaise, son tempérament et sa production plus tardive le rattachent au grand courant baroque qui, sur les structures classiques, greffa son inquiétude, ses fastes et sa soif d'absolu.

— Paul HADERMANN

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Écrit par

  • : membre de l'Académie royale de langue et de littérature néerlandaises, professeur aux universités de Bruxelles

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  • NÉERLANDAISE ET FLAMANDE LITTÉRATURES

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    ...(1585-1618), qui évoque des scènes de la vie de l'époque dans sa comédie De Spaanse Brabander (« Le Brabançon espagnol », 1617). Par la suite, ce sera Joost Van den Vondel (1587-1679) qui composera d'imposantes tragédies de facture antique. Ainsi du Gysbreght Van Aemstel (1637), sa pièce la plus...