LAVELLI JORGE (1932-2023)
Né le 11 novembre 1932 à Buenos Aires, formé à l'université du Théâtre des nations, à Paris, Jorge Lavelli est un des metteurs en scène occidentaux les plus inventifs de la fin du xxe siècle. D’abord comédien en Argentine, c’est grâce à une bourse du Fonds national des arts de son pays qu’il arrive à Paris, où il suit les cours de l’école Charles-Dullin et ceux de Jacques Lecoq. Premier prix au concours des Jeunes Compagnies dramatiques, il révèle en France le théâtre de Witold Gombrowicz avec la pièce Le Mariage (1963), puis avec Yvonne, princesse de Bourgogne (1965). Le dramaturge libère l'imaginaire sans crainte de la démesure, tapageuse parfois, mais toujours avec rigueur. Son talent visuel et sonore se double toujours d'un excellent travail sur l'acteur.
En 1967, Lavelli monte la version que donna Jean Vauthier de la Medea de Sénèque (1967) et Le Concile d'amour d'Oskar Panizza (1969). Il a également mis en scène plusieurs pièces de Fernando Arrabal, dont L'Architecte et l'Empereur d'Assyrie (1967). Plus réussie encore sera sa mise en scène de L'Échange de Claudel (1966), qui se caractérise par une jeunesse, une justesse de ton, une vérité et un parfait équilibre des corps et des voix. Lavelli fait également connaître les œuvres de son compatriote Copi (1939-1987), en montant L’Homosexuel ou la Difficulté de s'exprimer (1973), Les Quatre Jumelles (1974) ou La Nuit de madame Lucienne(1985).
Parallèlement à de nouvelles mises en scène au théâtre – La Mante polaire de Serge Rezvani (1977), La Tour de Babel d'Arrabal (1979), Le Conte d'hiver de Shakespeare (dans la cour d'honneur du palais des Papes à Avignon en 1980) –, Jorge Lavelli se tourne de plus en plus vers l'opéra où ses audaces apparaissent comme une provocation. En 1975, en même temps qu'il monte un magique Idoménée de Mozart, sa mise en scène du Faust de Charles Gounod suscite le scandale et la polémique, avant de devenir un spectacle phare de l’Opéra de Paris, qui sera régulièrement repris – plus de deux cents fois – pendant près de quatre décennies. Dans un étonnant décor dû à Max Bignens, sous une vaste verrière évoquant le xixe siècle, le dramaturge réinscrit le mythe repris par Goethe dans le contexte de l’époque de sa création par le compositeur français. Interprétant librement le livret de Gounod, Lavelli propose un Méphistophélès en double de Faust et une Marguerite touchée par la folie, à la fin de l’opéra, tout en respectant le déroulement de l’action et de la musique. Le metteur en scène s'impose définitivement, en 1976, avec La Traviata, au festival d'Aix-en-Provence.
Jorge Lavelli parcourt toutes les grandes scènes, tant en France qu'à l'étranger. En 1980, il donne Dardanus de Rameau, Les Noces de Figaro, de nouveau à Aix, avant de présenter L'Heure espagnole, puis Le Château de Barbe-Bleue à Nancy. Les années suivantes voient sa carrière se partager entre les mises en scène d'opéra et de théâtre. De 1983 à 1987, il monte Norma, Faust, Orphée aux enfers, Alcina, Salomé, Œdipus rex, La Clémence de Titus pour les scènes françaises et européennes. Nommé, en 1987, à la direction du tout nouveau Théâtre national de la Colline à Paris – il occupera ce poste jusqu’en 1996 –, il se consacre aux auteurs contemporains. Il crée en France Le Public de Federico García Lorca (1987), Une visite inopportune de Copi (1988), La Veillée de Lars Norén (1989), Greek (À la grecque) du dramaturge britannique Steven Berkoff (1990), Homebody Kabul de Tony Kushner (2003), Merlin ou la Terre dévastée de Tankred Dorst (2005), Chemin du ciel (2007), Le Garçon du dernier rang (2009) et Lettres d’amour à Staline (2011) de Juan Mayorga. En 2015, il donne On ne l’attendait pas de Stig Larsson, au festival d’Avignon.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Armel MARIN : metteur en scène, conseiller en éducation populaire et techniques d'expression
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Médias
Autres références
-
LE BONNET DE FOU et SIX PERSONNAGES EN QUÊTE D'AUTEUR (L. Pirandello)
- Écrit par Raymonde TEMKINE
- 1 307 mots
Deux pièces de Luigi Pirandello ont été représentées simultanément en octobre 1997, à Paris (Théâtre de l'Atelier) et à Villeurbanne (T.N.P.) Si Le Bonnet de fou (mise en scène de Laurent Terzieff) est fort peu connu, il n'en va pas de même pour Six Personnages en quête d'auteur...
-
CASARÈS MARIA (1922-1996)
- Écrit par Raymonde TEMKINE
- 942 mots
- 1 média
Actrice française d'origine espagnole, Maria Casarès est née à La Corogne (Galice) le 21 novembre 1922. Elle appartient par son père à une famille fortunée, cultivée, ardemment républicaine et francophile, ce qui vaut à Santiago Casarès Quiroga des séjours en prison. La république, proclamée en 1931,...
-
COPI RAÚL DAMONTE, dit (1939-1987)
- Écrit par Didier MÉREUZE
- 465 mots
Né en 1939, à Buenos Aires, d'un père poète, peintre, directeur de journal exilé sous Perón, et qui va le ballotter de Montevideo à Rio de Janeiro en passant par Paris avant de regagner l'Argentine et d'une mère anarchiste et athée convertie au catholicisme la quarantaine venue, Copi aura été toute sa...
-
LE MARIAGE (W. Gombrowicz)
- Écrit par Raymonde TEMKINE
- 1 066 mots
Quand Witold Gombrowicz embarque pour l'Argentine, en août 1939, c'est dans la perspective d'y demeurer seulement quelques mois. Il n'en reviendra que vingt-trois ans plus tard, invité à Berlin-Ouest par la fondation Ford et le Sénat. En 1963, Jorge Lavelli crée Le Mariage,...