CORTI JOSÉ (1895-1984)
De famille corse installée en Provence et dans la région parisienne, Joseph Corticchiato, dit José Corti, au lendemain d'une guerre courageuse qui le couvrit de médailles, ouvre en 1925 une librairie au 6, rue de Clichy à Paris. L'année suivante, il se lie avec André Breton, son voisin de la rue Fontaine. De cette sympathie vont naître les Éditions surréalistes, plus riches d'espoir que d'argent, et leur bouquet de titres éblouissants : le douzième et dernier numéro de La Révolution surréaliste (déc. 1929) ; Eluard (À toute épreuve, 1930 ; Comme deux gouttes d'eau, 1933) ; Aragon (La Peinture au défi, 1930 ; Persécuté, persécuteur, 1930) ; Char (Artine, 1930 ; L'action de la justice est éteinte, 1931 ; Le Marteau sans maître, 1934) ; Péret, (Dormir, dormir dans les pierres, 1927 ; De derrière les fagots, 1934) ; Crevel (Salvador Dali ou l'anti-obscurantisme, 1931) ; Le Clavecin de Diderot, 1932) ; Dali (La Femme visible, 1930) ; Eluard, Char et Breton (Ralentir travaux, 1930) et le chef-d'œuvre d'Eluard et Breton, L'Immaculée Conception (1930). Des tirages de tête, réservés à des mécènes comme le vicomte de Noailles ou René Gaffé, financent ces brochures. Corti accueille également les débuts de La Revue du cinéma (Auriol, Brunius, Lechanois, Ferry, Mitry). C'est alors qu'il fixe son siège définitif au quartier Latin, 11, rue de Médicis.
En 1938, Corti distingue et publie un livre refusé par Gallimard, Au château d'Argol. L'auteur est un inconnu, Julien Gracq. Celui-ci ne voudra jamais d'autre éditeur, et sa fidélité apportera à la librairie Corti une certaine aisance financière, surtout après le succès du Rivage des Syrtes, prix Goncourt en 1951. Une autre bonne fortune conduit rue de Médicis les pionniers d'une rénovation de la critique universitaire : deux Suisses, Marcel Raymond (De Baudelaire au surréalisme, 1933) et Albert Béguin (L'Âme romantique et le rêve, en coédition avec les Cahiers du Sud, 1937), ainsi que Gaston Bachelard, qui confie à José Corti son Lautréamont (1937) et sa tétralogie sur la rêverie des éléments (1937-1945).
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Corti imprime un faux numéro de la Bibliographie de la France, qui incluait les publications clandestines de la Résistance. L'arrestation et la mort en déportation de son fils unique fut une tragédie qui brisa sa vie.
Au lendemain de 1945, José Corti s'attache à faire triompher la pensée d'universitaires novateurs : Georges Blin (Le Sadisme de Baudelaire, 1948 ; Stendhal et les problèmes du roman, 1954) ; Jean Rousset (La Littérature de l'âge baroque en France, 1953) ; Charles Mauron (Des métaphores obsédantes au mythe personnel, 1963) ; Gilbert Durand (Le Décor mythique de « La Chartreuse de Parme », 1971). Mais, s'il est chaleureusement attentif à la phénoménologie de l'imaginaire, à la critique existentielle et psychanalytique, il reste rebelle à la vague structuraliste. Son catalogue s'oriente alors vers des éditions critiques (Baudelaire, Nerval, Villiers de l'Isle-Adam), la solide érudition de Sorbonne (Bénichou, Bonnet, Castex, Cellier, Crouzet) et la réédition de classiques méconnus du romantisme européen (Beckford, Blake, Gautier, Lewis, de Maistre, Nodier, Walpole, Radcliffe).
Corti a sacrifié à sa vocation d'éditeur ses dons pour la plume et le crayon. Il a toutefois publié des dessins d'esprit surréaliste (Rêves d'encre, 1945 ; Dessins désordonnés, 1984), des pastiches de La Fontaine (Le Treizième Livre des fables) et des mémoires décousus : Souvenirs désordonnés, 1983.
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Écrit par
- Jean-Charles GATEAU : docteur d'État, assistant agrégé de littérature française à l'université de Grenoble-III
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