ESPRONCEDA JOSÉ DE (1808-1842)
La vie, l'œuvre et l'action d'Espronceda se situent dans une époque où l'Espagne est agitée de forts soubresauts : après la guerre de l'Indépendance et la restauration de 1814, vint l'expérience constitutionnelle de 1820-1823. Espronceda est d'abord l'élève d'Alberto Lista (1775-1848), pédagogue et poète qui inculque les principes du néo-classicisme à ses disciples réunis au sein de l'académie du Myrte dont il est le mentor. Les premières poésies d'Espronceda et l'épopée sur le roi Pélage qu'il entreprend alors contiennent tous les stéréotypes chers aux poètes de la fin du xviiie siècle, et dont il ne se débarrassera que tardivement. L'absolutisme rétabli, Espronceda, qui a connu la prison en 1825 pour avoir pris part aux activités de la société secrète des Numantinos, s'exile de 1827 à 1833.
À Lisbonne, à Londres puis à Paris (où il se bat sur les barricades pendant les Trois Glorieuses), il continue son épopée et écrit une tragédie en hendécasyllabes. L'influence du romantisme français n'est pas encore sensible dans son œuvre : c'est dans le Tasse, dans La Henriade et dans La Poética española, poétique néo-classique de Martínez de la Rosa, qu'il cherche modèles et leçons.
Rentré à Madrid en 1833, il ne rapporte donc pas avec lui le romantisme français, pas plus que d'autres de ses aînés émigrés, contrairement à ce que répète encore l'histoire littéraire. Dans le journal El Siglo (Le Siècle) qu'il fonde en 1834 avec ses amis, ni ses idées esthétiques ni ses conceptions politiques ne contiennent rien de bien révolutionnaire. Cependant, son opposition active aux cabinets de « juste milieu » lui attire les foudres du pouvoir. Arrêté en 1834, il est classé — un peu vite — par la police secrète parmi les républicains.
Les idées évoluent à Madrid où s'est établi un romantisme nationaliste et bien-pensant, sous-tendu par une idéologie conservatrice qui redoute les ravages du libéralisme dans le domaine des lettres comme dans les mœurs. Espronceda écrit un roman historique, Sancho Saldaña (1833-1834), dans la manière de Walter Scott, où apparaissent des idées généreuses sur la justice, la liberté, la défense des humbles, ainsi qu'une condamnation du carlisme qui vient d'allumer la guerre civile. Puis il sacrifie, un court temps, au genre troubadour, à l'exotisme géographique et historique dans de nouveaux fragments de son épopée et un long poème inachevé, Le Chant du croisé (El Canto del cruzado). Il cesse vite de collaborer à El Artista (1835-1836), revue du romanticismo, qui ne retient du romantisme (alors identifié en France au libéralisme) que des procédés esthétiques : scènes ténébreuses, abus de l'exclamation, sentiments excessifs.
Ses Canciones, Le Pirate (El Pirata), Le Mendiant (El Mendigo), Le Condamné à mort (El Reo de muerte), Le Bourreau (El Verdugo) sont une mise en question de la société. Avec Larra, Espronceda met la littérature au service de l'homme. Ses idées s'affirment dans des articles politiques. Sous l'influence de Saint-Simon, de Lamennais et de Heine, il revendique la liberté, l'égalité et la fraternité, dénonce les abus du capitalisme naissant. Le « national-romantisme » est toujours pratiqué par des rimeurs peu inspirés, et à partir de 1837 Zorrilla est le troubadour « espagnol et chrétien » défenseur des « valeurs éternelles » que les modérés au pouvoir tentent de maintenir pour s'opposer au carlisme réactionnaire autant qu'au libéralisme socialisant dont Espronceda est un des partisans. Larra se suicide en février 1837, terrassé par une crise de conscience provoquée par l'abattement de son pays. Espronceda se lance de plus en plus dans l'action politique pour surmonter le désespoir dont témoignent ses très beaux poèmes [...]
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Écrit par
- Robert MARRAST : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
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DON JUAN
- Écrit par Michel BERVEILLER
- 5 639 mots
Parmi les versions de l'âge romantique, on peut encore mentionner L'Étudiant de Salamanque (1840), poème narratif d'Espronceda, lequel a défini lui-même son protagoniste, don Félix de Montemar, comme un « second don Juan ». Ici point de salut : c'est la dernière maîtresse, morte de douleur, qui...