SOLANA GUTIÉRREZ JOSÉ (1885-1945)

Peintre et écrivain espagnol, José Solana Gutiérrez s'inscrit à l'École des beaux-arts de l'Académie San Fernando mais fréquente plus volontiers les rues de Madrid et les cafés qui lui fourniront les thèmes de ses compositions. Observateur infatigable, il s'est longuement promené dans les quartiers les plus humbles et en a laissé une image empreinte d'un pathétique profond et contenu où les odeurs fortes se mêlent aux visions macabres. Plus qu'aux scènes de boulevard, il s'intéresse aux hommes, aux réunions d'amis qu'il détaille avec complaisance et range en ligne sur le devant du tableau avec leurs objets familiers comme pour une pose photographique (Au café de Pombo, La Visite de l'évêque). Ces visages cernés de traits noirs, épais et puissants, ne livrent ni leur angoisse ni leur préoccupation ; souvent impassibles, ils affirment leur présence d'une manière singulière et inquiétante. Les visages des Voyous, par exemple, les yeux fixés sur le spectateur, ne manquent pas d'évoquer les masques de James Ensor. Ses toiles sont le miroir fidèle de ses écrits, de ses deux livres sur Madrid parus en 1913 et 1923, et de España negra paru en 1920. Chroniqueur grave et mélancolique, il rapporte les conversations des faubourgs en s'arrêtant longuement sur des détails, des descriptions lugubres d'un monde désespéré. Il voyage volontiers, surtout en Castille et, à trois reprises, se rend à Paris (1928, 1936 et 1938) pour présenter ses toiles aux expositions. Peintre, écrivain, il pratique aussi la gravure et la sculpture, prend des leçons de chant et apprend même l'art de la tauromachie, toutes disciplines qui lui permettront de donner la mesure de son tempérament âpre et solitaire.

— Claudie RESSORT