HAUER JOSEF MATTHIAS (1883-1959)
« Qui a le premier composé de la musique dodécaphonique, Schoenberg ou Hauer ? » Le titre de cet article de Bryan Simms publié en 1987 dans le Journal of the Arnold Schoenberg Institute donne la mesure de l'importance du compositeur et théoricien autrichien Josef Matthias Hauer.
Né à Wiener Neustadt, près de Vienne, le 19 mars 1883, Josef Matthias Hauer effectue des études générales classiques qui le conduisent à la profession d'instituteur. Musicien autodidacte, il obtient en 1908 le diplôme d'aptitude à l'enseignement de la musique dans les établissements secondaires et les écoles d'instituteurs. En 1915, il s'installe à Vienne comme professeur de musique.
Dès 1912, année de la composition de son opus 1, il élabore un système atonal de composition sur les douze sons de la gamme chromatique : il ne s'agit ni d'un système dodécaphonique ni d'un système sériel. En 1918, en étroite collaboration avec le philosophe Ferdinand Ebner, il publie son premier traité théorique, Über die Klangfarbe (« Sur le timbre »). Il met pour la première fois en œuvre ses principes théoriques sériels à l'été de 1919, dans sa pièce pour piano ou harmonium Nomos, opus 19, qui utilise une série des douze demi-tons de la gamme tempérée. Schönberg, quant à lui, n'introduira la technique dodécaphonique qu'en juillet 1920, dans les deux premières de ses Cinq Pièces pour piano, opus 23. Hauer continue d'exposer ses conceptions dans des écrits théoriques : Vom Wesen des Musikalischen (« De l'essence du fait musical », 1920), Deutung des Melos (« Explication du mélos », 1923), Zwölftontechnik : die Lehre von den Tropen (« Technique des douze sons : l'enseignement des tropes », 1926)... Les relations entre Hauer et Schönberg, qui se connaissaient depuis 1913, souffriront de la véhémence avec laquelle le premier va revendiquer l'antériorité de sa « découverte ». S'il semble donc bien que ce soit Hauer qui ait composé la première œuvre dodécaphonique, il n'en reste pas moins que c'est Schönberg qui parviendra à imposer cette technique par la qualité de ses œuvres et la ferveur de son enseignement, notamment à travers ses disciples Berg et Webern. Il faut en outre noter que, contrairement à Schönberg, qui impose l'ordre de succession des douze sons dans chaque série et leur non-répétition, Hauer utilise le total chromatique avec une plus grande liberté. Par ailleurs, influencé par les musiques extra-occidentales, et notamment par les musiques chinoises, il privilégie l'homophonie au détriment de la polyphonie, ce qui le différencie encore de Schönberg, qui demeure très attaché au contrepoint.
Le catalogue de Hauer est imposant et touche tous les genres : pièces pour piano seul, pour orchestre, pour voix et orchestre, lieder (en particulier sur des poèmes de Hölderlin), chœurs, musique de chambre ; surtout, il compose environ 1 000 pièces dodécaphoniques (Zwölftonspiele). Il a écrit deux ouvrages lyriques : l'opéra Salambo, d'après Salammbô de Flaubert, créé sous forme d'extraits, en version de concert, par Otto Klemperer en 1930 à Berlin ; le singspiel Die schwarze Spinne (« L'Araignée noire »), d'après Jeremias Gotthelf, composé en 1932, ne sera créé qu'en 1966, au Theater an der Wien de Vienne, sous la direction de Michael Gielen. Hauer rencontrera l'incompréhension du public et de la critique, et le succès de Schönberg le laissera amer. Ce dernier lui rendra cependant hommage en tant que chercheur dans la préface de son Traité d'harmonie (Harmonielehre), tout en critiquant sa démarche, par trop systématique à ses yeux. Ce n'est en effet qu'à partir de sa cantate Der Menschen Weg (d'après Hölderlin, 1934) qu'Hauer s'affranchira quelque peu du cadre expérimental[...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
Classification
Autres références
-
MUSIQUE CONTEMPORAINE - La musique sérielle et le dodécaphonisme
- Écrit par Pierre BARBAUD et Rémi LENGAGNE
- 3 003 mots
- 2 médias
Josef Matthias Hauer, né en 1883 à Wiener-Neustadt, en Autriche, était instituteur. Autodidacte dans le domaine musical, il écrit dès 1911 dans un système à douze sons parfaitement cohérent, qu'il précise en 1918 sous le nom de Zwölftongesetz. Il en expose les principes dès 1920 dans...