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ŠKVORECKY JOSEF (1924-2012)

Écrivain tchèque, Josef Škvorecký est originaire de la Bohême du Nord-Est. Il fait ses études universitaires (anglais, philosophie) à Prague, puis travaille dans la maison d'édition d'État, et collabore à des revues littéraires. Son premier roman, Zbabělci, 1958 (Les Lâches), écrit dix ans auparavant, fait sensation par son non-conformisme : avec ironie, en utilisant la langue populaire et l'argot des jeunes, Škvorecký raconte la libération de sa ville par l'Armée rouge en 1945. Accusé de « cynisme » par les tenants du réalisme socialiste, le livre est vite retiré des librairies, mais le jeune anti-héros, l'autobiographique amateur de jazz, Danny, ne disparaîtra que pour un temps.

Spécialiste des littérature anglaise et, surtout, américaine, Škvorecký traduit Hemingway, Fitzgerald, Faulkner, James, ..., et refait surface, à la faveur du nouveau « dégel », avec une belle nouvelle sur l'amour détruit par la médiocrité, Legenda Emöke, 1963 (La Légende d'Emöke), un cycle de récits des tragédies juives sous l'Occupation, Sedmiramenný svícen, 1964 (Le Chandelier à sept branches), une admirable nouvelle sur la passion du jazz, Bassaxofon, 1967 (Le Saxophone basse). Les romans Konec nylonového věku (La Fin de l'âge de nylon), écrit en 1950, édité en 1968, sur la jeunesse dorée pragoise tombée brusquement sous la coupe du régime de 1948, et Lvíče, 1969 (Le Lionceau), qui mêle amour, censure et intrigue policière, sont les derniers à être publiés à Prague. La fin du Printemps de Prague entraîne la mise au pilon de sa satire irrévérencieuse de l'expérience de Danny dans l'armée « populaire » — réplique du Chveok de Hašek — Tankový prapor (L'Escadron blindé). Cet ouvrage parut d'abord en français à Paris, puis en tchèque (1971) à Toronto où, exilé, Škvorecký fonde, avec sa femme Zdena Salivarová — née en 1933, auteur de sensibles récits sur la vie de jeunes gens sous le socialisme —, une maison d'édition tchèque.

L'art du narrateur de Josef Škvorecký s'épanouit en liberté dans plusieurs romans : Mirákl, 1972 (Miracle en Bohême), embrasse la période qui culmine en 1968 ; Prima sezóna, 1975 (Une chouette saison) ; Příběh inženýra lidských duší, 1977 (L'Aventure d'un ingénieur des âmes humaines), suit le sort de Danny devenu professeur au Canada (Škvorecký est professeur à l'université de Toronto) ; passionné par le roman policier américain, il continue sa série construite autour du lieutenant Borůvka, détective « triste » et philosophe ; Scherzo capriccioso (1982) évoque le séjour du compositeur Dvořák aux États-Unis ; c'est encore la problématique du roman policier qui le préoccupe dans Napadý ctenare detektivek (1988), Detektivni divertimento (1991) et Nowrat porucika Bornvký (1993) ; mentionnons également deux pièces de théâtre, une histoire de la « nouvelle vague » du cinéma tchécoslovaque, un essai sur le jazz, des poésies, des critiques littéraires, un livre de souvenirs (en collaboration avec sa femme).

L'un des grands écrivains de sa génération (il est traduit dans une vingtaine de langues) avec Kundera, Vaculík et Hrabal, Škvorecký profite largement de l'exemple américain, mais, pour l'essentiel, il reste dans la tradition d'une lignée spécifique du récit tchèque, qui observe la vie des hommes et du monde avec une lucidité ironique, où la verve et l'humour populaires s'équilibrent de sensibilité et de lyrisme.

— Vladimir PESKA

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Écrit par

  • : chargé de cours (littérature tchèque, littérature comparée) à l'Institut national des langues et civilisations orientales

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Autres références

  • TCHÈQUE RÉPUBLIQUE

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    • 18 252 mots
    • 3 médias
    Parmi les non-engagés, le narrateur hors de pair Josef Škvorecký (1924-2012) fait sensation avec Les Lâches (1958), le premier des romans sur l'expérience de sa génération du nazisme au stalinisme. Bohumil Hrabal (1914-1997) peut enfin publier ses singuliers récits (Les Palabreurs, 1964),...