SUK JOSEF (1874-1935)
Le compositeur, violoniste et pédagogue tchèque Josef Suk naît à Křečovice (Bohême) le 4 janvier 1874. Son père, instituteur et musicien lui-même, lui fait commencer l'étude du violon dès l'âge de quatre ans. Au Conservatoire de Prague (1885-1892), il a comme professeurs Antonín Bennewitz (violon), Josef Bohuslav Foerster (analyse) et Antonín Dvořák (composition), dont il épousera en 1898 la fille Otilia ; il s'y lie d'amitié avec Vitězslav Novák. En 1892, Josef Suk fonde, avec des disciples du violoncelliste et pédagogue Hanuš Wihan – Karel Hoffmann (premier violon), Oskar Nedbal (alto) et Otto Berger (violoncelle) –, le Quatuor tchèque, dans lequel il tiendra la partie de second violon jusqu'au 20 mars 1933, date de son concert d'adieu. Il enseigne la composition au Conservatoire de Prague à partir de 1922. Il meurt à Benešov, près de Prague, le 29 mai 1935.
Ses premières partitions datent de 1888 (Quatuor à cordes en ré mineur, Fantaisie en ré mineur, op. 8, pour quintette à cordes avec piano) mais sa véritable première œuvre, son opus 1, est le Quatuor pour piano et cordes en la mineur (1891), encore empli de réminiscences de Schumann et de Mendelssohn. Il compose en 1891 trois ballades (pour violon et piano, pour violoncelle et piano, pour quatuor à cordes), un Trio pour piano violon et violoncelle en ut mineur et une très réussie Sérénade pour violoncelle et piano. Toujours sous l'emprise stylistique de Dvořák, le jeune musicien compose alors le petit bijou d'élégance et de vitalité qu'est la lyrique et enjouée Sérénade pour cordes op. 6 (1892).
Relevons encore de cette époque de première maturité des œuvres marquées par la fraîcheur de l'inspiration : la suite symphonique Le Conte d'une soirée d'hiver, op. 9 (1894), le Quatuor à cordes en si bémol majeur, op.11 (1896), une Première Symphonie, op. 14 (1897-1899), l'ouverture Conte de fées, op. 16 (1894), d'après Raduz et Mahulena de Julius Zeyer, les Quatre Pièces pour violon et piano, op. 17 (1900), les Impressions d'été, pour piano, op. 22b (1902), et la Fantaisie pour violon et orchestre, op. 24 (1902). Si le langage de Josef Suk – synthèse de ceux de Mendelssohn, de Brahms et de Dvořák – n'avait pas évolué, sa production serait restée celle d'un petit maître dont on admire l'habileté de l'écriture ainsi que l'équilibre formel et dont on apprécie le talent mélodique, la fougue rythmique et l'élégance harmonique.
Mais, le 1er mai 1904, le jour même de la création de son grandiose et héroïque poème symphoniquePraga, op. 26, son beau-père, Antonín Dvořák, meurt. Un an plus tard, le 5 juillet 1905, Josef Suk perd son épouse, emportée par la tuberculose. Ces deux événements, qui l'ébranlent profondément, vont entraîner un changement radical de son style. Sa musique évolue vers une grande densité polyphonique et polyrythmique et il sera désormais bien difficile de trouver dans sa production une œuvre heureuse et insouciante (excepté quelques pièces de circonstance écrites à la toute fin de sa vie). Abandonnant la nature et l'amour dont il fut en sa jeunesse le chantre, Josef Suk s'interroge sur la mort, cherchant à trouver une réponse au sens de la vie. Ainsi accède-t-il à une profondeur d'expression et à une puissance d'émotion nées d'une introspection quasi philosophique tout autant que de préoccupations humanistes. Asraël – monumentale Deuxième symphonie, en ut mineur, op. 27, dédiée à ses deux chers disparus (1905-1906) – marque ce tournant stylistique. Cette œuvre presque expressionniste (son titre est le nom de l'Ange de la Mort dans la mythologie hébraïque), véritablement titanesque au sens mahlérien du terme (ses cinq mouvements lui sont sans doute redevables), touche l'auditeur par l'universalité[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
Classification